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Guias e Dicas
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SOMBRA, PAULA. Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine , Notas de estudo de Antropologia

Memoria, Argentina

Tipologia: Notas de estudo

2016

Compartilhado em 07/07/2016

fabiola-souza-18
fabiola-souza-18 🇧🇷

4.6

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Baixe SOMBRA, PAULA. Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine  e outras Notas de estudo em PDF para Antropologia, somente na Docsity! 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 1/31 Conserveries mémorielles Revue transdisciplinaire de jeunes chercheurs # 15 | 2014 : Les courbes du temps: trajectoire, histoire et mémoire De l'individuel au collectif : usages de la trajectoire dans la construction mémorielle Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimisation A collective journey around political activism in Argentina: the memory of "revolutionary fighters" discourses on victimization PAULA SOMBRA Résumés Français English Les  Forces  Armées  Péronistes  (FAP)  furent  une  organisation  politico­militaire  d’origine péroniste, créée dans la province de Buenos Aires (Argentine) en 1967. Malgré la notoriété qu’a connue le débat sur le thème de la mémoire dans l’espace public argentin, les FAP ont toujours  gardé  le  silence,  alors  que  ses  membres,  dans  leur  quasi­totalité,  poursuivent actuellement  leur  engagement  politique,  et  témoignent  souvent  d’une  faible  prise  de distance  avec  leur  passé.  Comment  appréhender  et  aborder  l’expérience  des  FAP  et comprendre la mémoire du militantisme des années 60­70 dans l’actualité ? Cet  article  se  propose  ainsi  de  revenir  sur  deux  aspects  spécifiques  qui  sous­tendent  le travail  d’élaboration  de  la  mémoire  du  militantisme  sur  le  passé  récent  argentin.  Le 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 2/31 premier  est  le  processus  des  expériences  de  continuité  politique;  quant  au  second,  il s’inscrit  dans  la  réflexion  sur  les  politiques  du  pardon  et  le  processus  de  reconstruction mémorielle (mais aussi nationale) des sociétés ayant souffert de traumatismes importants. L’analyse  de  ces  deux  processus  implique  de  prêter  une  attention  toute  particulière  —à travers  un  parcours  particulier—,  à  tout  un  ensemble  de  formulations  idéologiques,  de pratiques et de valeurs collectives qui structurent  les FAP et qui, au fil des ans, ont peu à peu délimité les frontières d’une expérience et conféré un sens aux actes, de façon à assurer la pérennité de l’engagement politique. Ce découpage se fonde sur la certitude que les clefs interprétatives  pour  la  compréhension  de  l’expérience  des  combattants  révolutionnaires dans l’actualité sont à trouver dans les discours de la victimisation. The Armed Forces Peronists (FAP) were originally a Peronist political­military organization established in the province of Buenos Aires (Argentina) in 1967. Despite known debate on the theme of memory in the Argentine public space, the FAP have always remained silent while  its members – almost all  of  them currently pursuing  their political  commitment – often  show  few distance with  their  past  as  activists. How  to  understand  and  address  the experience of ex­FAP members? How can we understand activism memory? This article examines two specific aspects underlying the development work of the memory of the recent past activism in Argentine. The first is the continuity of political experiences troughout  time  while  the  second  engages  the  policies  of  forgiveness  and  the  process  of personal  (and  national)  memorial  reconstruction  in  countries  that  have  suffered  major collective traumas. This paper pays particular attention to a variety of  ideological  formulations, practices and collective values that structure the FAP and, over the years, have progressively defined the boundaries of a given experience and meaning to actions, so as to ensure the sustainability of political commitment. The analysis is founded on the certainty that interpretative keys to understand  the  experience  of  revolutionary  fighters  are  to  be  found  in  the  discourse  of victimization. Entrées d’index Mots­clés : mémoire, militantisme politique, lutte armée, présent, victimisation Keywords : memory, political activism, armed struggle, present, victimization Géographie : Argentine Index chronologique : Années 1960 Texte intégral Quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. Marcel Proust, « Combray », Dû côté de chez Swann Les  Forces Armées  Péronistes  (las Fuerzas Armadas Peronistas,  FAP)  furent une organisation politico­militaire d’origine péroniste, créée dans  la province de Buenos Aires  (Argentine)  en  1967  (même si  sa première apparition publique ne date que de l’année suivante). Sous l’influence des préceptes de Che Guevara —et parce qu’ils identifièrent le péronisme à un mouvement de libération nationale sur le  principe  de  «  la  lutte  armée  comme  seule  forme  de  lutte  »  (« Destacamento guerrillero 17 de octubre », 1969, dans Duhalde et Pérez 2003 [2001], 115)—, ils essayèrent,  initialement,  de  créer  un  foyer  insurrectionnel  et  d’amorcer  la  lutte armée avec pour objectif, à terme, de livrer une Guerre Totale, autrement dit une guerre  populaire  et  durable  pour  permettre  le  retour  de  Perón  au  pouvoir  et 1 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 5/31 Les mémoires du militantisme et les représentations de chaque présent : un parcours par la scène politique et culturelle argentine entrées,  les  approches,  de  déplacer  le  regard  pour  se  décentrer  de  certaines catégories, et concevoir les données biographiquesde manière différente4. Quatre interrogations structurent notre argumentation : comment faire émerger la  mémoire  d’une  époque  caractérisée  par  l’entreprise  collective  de  jeunes idéalistes qui luttaient pour changer le monde, lorsque toutes ces expériences ont, depuis,  été marquées  et  traversées par  le  terrorisme d’État  et  le  souvenir de  ces milliers d’assassinats ? Dans quelle mesure cette catégorie de victime devient  la figure  politique  actuelle  qui  réorganise  la  représentation  de  l’expérience  du militantisme  d’autrefois  ?  L’émergence  de  la  victimisation  constitue­t­elle  un progrès dans la reconstruction de l’histoire récente ? Quel pourrait être l'apport du parcours  de  vie  lié  au  militantisme  à  la  connaissance  sociologique  pour  une histoire  récente  ? Toutes  ces questions —si  elles ne permettent peut­être pas de conclure sur les raisons précises de l’essor mémoriel sur le militantisme analysé à travers la figure de la victime—, contribuent toutefois à éclairer d’un jour nouveau la tâche ô combien complexe que suppose d’étudier la mémoire d’un passé récent et  traumatique  en  Argentine.  Nous  consacrerons  les  pages  suivantes  à  tenter d’élucider quelques­unes de ces questions. 12 La  problématique  liée  à  la  mémoire  est  en  effet,  dans  l’actualité, particulièrement présente, non seulement dans des pays comme l’Argentine, mais aussi dans d’autres pays de l’Amérique latine. 13 Nous pourrions, à grands traits et en guise d’introduction, définir  la mémoire comme la façon dont les sujets construisent et donnent un sens au passé, afin de le  transmettre.  Disposer  d’un  cadre  d’élaboration  dans  un  présent  déterminé, ainsi  que  d’un  horizon  d’attente,  constituent  des  conditions  inhérentes  à  la récupération de ce passé. En ce sens,  les significations du passé dans  le présent sont  le  fruit  du  traitement,  de  la  fabrique  interne  des  sujets  impliqués.  Toute mémoire est le produit d’un contexte social —toujours changeant—, et des champs de  luttes  culturelles  et  politiques,  en  compétition  pour  le  contrôle  du  sens  à donner  au  passé.  Ajoutons,  enfin,  que  toute  mémoire  est  le  produit  de  débats publics  entre  ce  qui  peut  être  dit,  entendu  et  écouté,  entre  ce  dont  on  peut  se souvenir, et ce qu’il convient de passer sous silence et d’oublier (POLLAK, 1993b; RICŒUR,  2000;  ROUSSO,  1996;  VEZZETTI,  2002).  On  peut  ainsi  mettre  en évidence  que  la  mémoire  est  sélective  et  multiple.  Et  ce  d’autant  plus  que  les modalités adoptées peuvent faire référence à deux ordres distincts: tout d’abord, la mémoire liée aux témoignages ; ensuite, la dimension politique de la mémoire. Ces  deux  ordres  ne  s’opposent  pas,  et  se  caractérisent  même  par  les  étroites relations qu’ils tissent l’un avec l’autre. Nous avons donc, d’une part, la mémoire testimoniale,  qui  fait  référence  à  l’émergence  de  souvenirs  individuels  et subjectifs,  remémorés  à  la  première  personne  et  alimentés  d’expériences collectives. Cette mémoire est généralement présentée comme une « place forte » de vérité parce qu’elle appartient à un ensemble de vécus partagés. D’autre part, la mémoire doit  être  entendue  en  référence  à  l’usage politique  et  institutionnel du passé, stimulé et impulsé non seulement par divers groupements et associations (issus  de  la  société  civile),  mais  aussi  et  fondamentalement  par  l’État.  Cette 14 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 6/31 dimension  politique  fait  clairement  référence  à  la  mémoire  des  crimes  contre l’humanité et à la dénonciation d’un passé à caractère traumatique. En Argentine, la question de la mémoire est un héritage de la violence politique et  sociale,  du  terrorisme  d’État,  et  de  la  figure  des  disparus.  Ceci  explique  que cette question ait été associée à la défense des droits de l’homme et aux demandes en  faveur  de  la  «  vérité  et  [de  la]  justice  »,  ou  du  châtiment  des  coupables. Quoiqu’il en soit — et comme le fait remarquer Vezzetti —, la justification de leurs contenus  «  n’est  pas  immunisé  contre  le  passage  du  temps  »,  ce  qui  explique qu’en Argentine, depuis 1983, « l’horizon ouvert dans le présent n’ait pas cessé de se déplacer » (VEZZETTI, 2002, 191). En ce sens, dans le parcours de la mémoire, ce  qui  intéresse  n’est  pas  tant  le  passé  récent,  pour  lui­même, mais  la manière dont  l’imaginaire  politique  est  appréhendé,  transmis  et  réactualisé,  moment présent après moment présent, en construisant des souvenirs et donnant du sens à tel ou tel événement passé. Le cas du militantisme est une de ces mémoires qui font partie de la dialectique du passé et du présent qui se réactualisent sous divers aspects, et mettent en évidence que le passé n’est ni figé ni inaltéré. 15 Sans sous­estimer la période de transition vers la démocratie, nous proposons de nous pencher  sur  certaines politiques de  la mémoire autour de  l’engagement contestataire  à  partir  du milieu  des  années  90.  Cette  décision  est  due  à  divers changements  politiques  et  sociaux  qui  ont  constitué  des  ruptures  dans  le processus plus général des souvenirs du passé récent. Toutefois, on ne peut pas laisser de côté certains noyaux de récupération de ce passé à ce moment inaugural de  la  démocratie.  En  ce  sens,  deux  discours  narratifs  fondamentaux  de  la démocratie  ont un  impact profond  y durable dans  la  société  argentine.  Il  s’agit tout  d’abord  de  la  publication  du  Nunca  Más5(1984),  résumé  de  la  enquête réalisée par la Comisión Nacional por la Desaparición de Personas6 (CONADEP), qui  est  apparue  comme  l’élaboration  «  d’un  cadre  de  vérité  et  de  signification globale sur les différents sens à donner à ce passé » (Vezzetti, 2002, 19). Il s’agit, ensuite,  en  1985,  de  la  répercussion  publique  du Juicio  a  las  Juntas Militares («  Jugement  des  Juntes Militaires  »),  inédite  à  l’échelle  du  continent,  dont  le point culminant fut le châtiment infligé aux plus hauts responsables7, et qui fut à l’origine des  lois de réparation  faite aux  familles des disparus et aux survivants des  disparitions.  L’hyper­présence  du  thème  dans  la  presse  écrite  au  cours  des neuf mois que dura le procès (et malgré les restrictions de sa diffusion télévisée8), ainsi que la diffusion de témoignages, constituèrent les points d’ancrage les plus notoires de la constitution de cette mémoire focalisée sur le terrorisme d’État et les atteintes aux droits de l’homme. 16 Ainsi, les attentes se sont portées sur la démocratisation et la revalorisation de la  société  civile,  et  sur  l’obtention  de  la  justice. Dans  leur  ensemble,  les  cadres institutionnels, mis en place afin d’établir un État de droit, se fondèrent sur une rupture politique et historique avec le passé antérieur. Ceci non seulement vis­à­ vis de  la période dictatoriale, mais aussi à  l’égard de  la répression menée par  le péronisme durant ses années de gouvernement démocratique9. Très rapidement, s’imposèrent de nouvelles figures pour caractériser la période que l’on souhaitait laisser derrière soi, les plus remarquables étant celles de la « guerre sale », que la « théorie des deux démons » est venue symboliser10. Cette formule bipolarisée a servi à exclure de la représentation d’une tradition démocratique tout aussi bien le terrorisme d’État amorcé en 1976, que la violence politique qui l’avait précédé. 17 De tout ceci a fini par émerger une figure, celle du disparu, « dans son caractère pur  de  victime,  atteinte  dans  sa  condition  humaine,  et  bafouée  par  l’impunité d’un état ayant transgressé toutes les limites11 » (VEZZETTI, 2002, 116). La figure du  « disparu  »  demeurait  clairement,  de  cette manière,  à  l’écart  de  toutes  les revendications  politiques  des  organisations  révolutionnaires  réprimées  par  la dictature. Le consensus basique autour des « disparus » s’est ainsi  fondé sur  le 18 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 7/31 fait  de  les  considérer  comme  des  «  victimes  innocentes  ».  Cette  vision, évidemment, contribuait à esquiver et à éluder  tout engagement dans un projet politique. Durant cette étape, les groupements de défense des droits de l’homme furent en effet  les porte­parole des droits des victimes  (disparus et/ou survivants),  et des consignes de « mémoire, vérité et justice ». Certes, dans ce contexte discursif, les organismes de droits de l’Homme12 et, surtout, les Mères et les Grands­mères de la place de Mai, sont devenues des figures emblématiques par leur refus de l’oubli et leur volonté que la justice s’attaque au passé dictatorial. Les luttes pour la défense des droits de l’homme (et en particulier pour les droits des victimes) exprimaient une  option  éthique  pour  la  nouvelle  démocratie,  qui  cristallisait  toutes  les promesses  de  reconstruction  politique  de  la  société.  Comme  le  fait  remarquer Hugo Vezzetti,  «  c’est  là  que prend naissance,  dans  l’univers  des  victimes,  une association durable entre les termes mémoire, démocratie et droits » (VEZZETTI, 2011, 288). 19 Les lois du « Point Final » (Ley de Punto Final, 1986) et de « l'Obéissance due » (Ley de Obediencia Debida, 1987) ont ouvert la voie à l’impunité juridique. Plus tard,  un  second  gouvernement  démocratique  promulgua  par  décret  l’amnistie (Leyes de Indulto, 1989 et 1990)13. Malgré tous  les efforts pour promouvoir une « politique de  l’oubli »14,  les  traces  laissées par  le « Juicio » et « Nunca Más » étaient toujours bien vivaces dans la société. Les organismes de défense des droits de  l’homme  conservaient  leur  prestige,  et  les  amnisties  ne  recueillaient  qu’un faible appui dans la société. 20 Que ce  soit à  travers  les mouvements de défense des droits de  l’homme, ou à travers la sanction punitive des politiques officielles, les cadres de représentation de la mémoire pendant cette période­là ont été définis depuis l’espace judiciaire. Les interrogations portant sur les expériences politiques du militantisme ont ainsi été occultées, en particulier celles qui incorporent et intègrent comme axe la lutte armée.  Ces  questionnements,  toutefois,  ont  subsisté  comme  une  sorte  de “mémoire souterraine” (POLLAK, 1993). Comme le fait observer Vezzetti (2009), les débats sur la violence révolutionnaire existaient dans la communauté politique argentine (à partir de la Révolution cubaine et peut­être même avant), et portaient sur  les  stratégies à appliquer  face à  la violence  instaurée depuis  le pouvoir. Ces débats furent également menés depuis l’exil15. Dans une large mesure, au cours de ces débats, les arguments allaient contre les tentatives de mise en place de foyers insurrectionnels en Argentine, et contre la légitimité du recours aux armes. Même si  ces  discussions  controversées  restèrent  confinées  aux  groupes  eux­mêmes (comme partie d’une mémoire propre de la gauche), elles permirent d’élaborer un récit  de  la  défaite.  Durant  le  contexte  de  promulgation  des  lois  d’amnistie  des gouvernements démocratiques, le silence sur le militantisme politique et social a supposé,  pour  ces  militants,  la  continuité  d’un  modèle  de  domination  et  de contrôle exercé depuis le pouvoir. 21 Pour  s’opposer  à  la  présence monopolisatrice  et  réductrice  de  la  figure  de  la victime « innocente », quelques survivants cherchèrent cependant non seulement à dénoncer les crimes impunis de la dictature, mais aussi à afficher publiquement la dimension politique de la figure de la victime. En ce sens, ces actions —visant à s’opposer au silence et à la falsification des faits—, ont également eu pour objectif de récupérer  cette  identité politique  afin de pouvoir poursuivre  ces  combats du passé, dans lesquels ils s’étaient engagés. 22 Depuis  le  début  des  années  90,  on  assiste  à  une  série  de mutations  dans  les réflexions sur le passé récent, ce qui a favorisé une visibilité bien différente de la mémoire. Il est d’usage d’évoquer le changement d’attitude de vastes secteurs de la population à l’égard de la démocratie représentative. L’optimisme lié à l’attente d’un retour à un certain niveau de bien­être social et politique a laissé la place à 23 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 10/31 Un parcours des FAP : l’expérience combative dans les récits « dans la tradition phénoménologique, l’expérience est saisie à travers l’observation, mais c’est à travers la mise en paroles qu’opère la production de sens. Si le passage au récit peut induire un appauvrissement de l’expérience, il est aussi la condition de sa réflexibilité. » (ZIMMERMANN, 2011, 62) militants  d’alors)  et  de  l’ensemble  de  leurs  récits,  pratiques  et  expériences,  qui sont  déterminants.  La  politique  est  en  effet  toujours  au  fondement  de  leurs souvenirs ainsi que de leurs idées et actions présentes. L’expérience —toujours politique— des militants nous a été accessible à travers de  récits.  Celle­ci  est,  en  effet,  le  résultat  d’une  reconstruction  qui  se  donne  à travers le discours. Comme fait remarquer Zimmermann : 30 Dans  les  récits des  ces  anciens  combattants,  l’expérience prend  la  forme d’un parcours qui s’étend dans le temps et l’espace. Sans entrer dans une comparaison entre des notions telles que « trajectoire », « itinéraire » ou encore « carrière »28, nous donnerons au  terme « parcours »  le sens de « continuité d’une expérience vers  un  objectif  »,  sans  pour  cela  considérer  que  le  parcours  soit  synonyme  de linéarité.  Bien  au  contraire,  il  est  fait  de  détours,  de  moments  charnières,  de retours  en  arrière,  d’arrêts  et  d’avancées  ;  il  offre  une  diversité  de  chemins possibles, de ponts, de passerelles, pour  franchir des événements discontinus et les  restituer  dans  un  ensemble  continu  et  cohérent.  En  ce  sens,  le  parcours s’affirme comme un « concept trait d’union » (ZIMMERMANN, 2011, 83). Ce qui compte,  en  définitive,  c’est  le  but,  car  c’est  dans  le  but  qu’il  acquiert  sa signification. 31 Bien  que  la  notion  de  carrière  ait  été  appliquée  à  l’étude  de  l’engagement politique29,  nous  considérons  que  le  parcours  peut  englober  la  carrière  ou « désigner (…) le chemin qui relie différentes positions dans une carrière ». Entre autres choses, la carrière désigne le passage ordonné d’une position à l’autre dans un  système  donné.  Elle  fait  également  référence  à  une  idée  de  gradation  et d’évolution,  en  termes  de  fonction  et  de  responsabilité  pour  une  autorité compétente.  Le  parcours,  quant  à  lui, met  l’accent  sur  une pluralité  de  rôles  et d’identités dans de diverses dimensions sociales. Il  intègre  les  interstices et met l’accent sur ce qui se passe entre eux afin de donner une place à la production de continuité.  Ainsi,  il  traverse  différents  espaces  de  référence  (de  la  sphère professionnelle,  institutionnelle,  ou  encore  domestique),  il  les  identifie  afin  de définir le développement et les modalités pour y arriver, en reliant les étapes et les temporalités au cours du déplacement du récit biographique. Le parcours est, par conséquent,  une  épreuve  d’interaction  avec  l’environnement,  où  les  récits  et  les actions  se  déploient  selon  les  temporalités  du  vécu.  Il  est  le  résultat  de l’organisation d’événements à travers la mise en récits. 32 A cela, il faut ajouter que le parcours inclut une dimension de réflexivité, c’est­ à­dire qu’il prend en compte la subjectivité des acteurs, impliquant leur volonté et leur  intention.  Et  ce  même  si  —comme  le  fait  remarquer  Zimmermann—  «  un parcours ne se laisse pas réduire à des choix personnels. Il est aussi fait de non­ choix  et  de  contraintes  »  (ZIMMERMAN,  2011,  85).  La  structure  collective  est aussi un lieu de possibilité d’émergence des choix individuels. 33 Cette implication de l’acteur (et ceci ne veut pas dire une seule personne) dans la mise en cohérence et la justification à travers le récit nous permet de dire, avec 34 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 11/31 Zimmermann,  que  le  parcours  synthétise  —en  même  temps  qu’il  analyse—  la qualité historique et corrélative des personnes, considérées ainsi comme des êtres en devenir. C’est à partir de cette catégorie opératoire que nous avons situé notre travail de récupération des souvenirs actuels et des discours rénovés du passé. Or,  dans  l’éventail  hétérogène  des  organisations  armées  en  Argentine, l’expérience  des  FAP  offre  une  image  et  un  parcours  singuliers  des  projets révolutionnaires des décennies 60 et 70. Ceci est d’autant plus vrai si  l’on  tient compte  des  représentations  construites  de  la  politique  de  ces  années­là.  Il  est certain  que  le  développement  des  organisations  armées  a  obéi  à  un  processus complexe et échappe aux typifications simplistes. On peut dire, cependant, que le ferment révolutionnaire constitua l’élément clef de la construction d’une identité et  d’un  ensemble  de  convictions  partagées  (tout  autour  d’un  changement pour une société plus juste). 35 Les  récits  sur  les  expériences  révolutionnaires  ont  toutefois  conformé  un territoire  argumentatif  où  prédominent  des  situations  de  violence  et  de  mort. Ainsi,  l’intérêt  pour  la  lutte  armée  semble  souvent  se  porter  ou  bien  sur  la dimension spectaculaire des opérations menées, ou encore sur la militarisation de certaines organisations politiques de l’époque, au point de les magnifier, et tout en idéalisant  une  partie  de  cette  période.  D’où  la  conviction  selon  laquelle,  d’une part, l’esprit de rébellion était plus fort dans les années soixante­dix qu’au cours de  la décennie  antérieure,  et  selon  laquelle,  d’autre part,  seuls  les membres des organisations du « Parti Révolutionnaire des Travailleurs–Armée Révolutionnaire du  Peuple  »30  («  Partido  Revolucionario  de  los  Trabajadores–Ejército Revolucionario del Pueblo », PRT–ERP) et des Montoneros cherchent à récupérer et  sauvegarder  leurs  expériences  perdues  à  travers  les  confidences  et  les révélations testimoniales. 36 Les  récits  des  FAP  ont  été  considérés,  dans  notre  travail,  comme  des  formes contrastées de  constitution de  la mémoire du passé  récent. Nous  savons que  la mémoire se constitue à la fois du passé et du présent, et que ce double horizon est délimité  par  les  formes  socio­discursives  à  l’œuvre  dans  la  société  et  par l’expérience que celle­ci tire de son propre passé. Il ne fait aucun doute que le fait de prendre la décision de raconter (à partir de la conviction du rôle central que les sujets  ont  occupé  dans  cette  histoire)  est  soumis  aussi  à  des  temporalités psychologiques (nécessaires à l’éclosion du désir de mémoire et des conditions de se  montrer  et  de  faire  valoir  ce  qu’à  signifié  pour  eux  de  s’être  engagé politiquement)  ;  cette  décision  est  aussi  liée  au  passage  du  temps  et  à  la conscience de la nécessité de la transmission générationnelle. 37 Nous essayons de rendre compte de la présence de ce groupe, malgré l’attitude de  réserve  qui  les  caractérise.  Notre  travail  de  terrain,  ainsi  que  les  entretiens individuels et  collectifs, nous ont permis de  leur poser des questions relatives à leurs  débuts  dans  la  pratique  du  militantisme,  aux  dynamiques  internes  de l’organisation,  aux  pratiques  quotidiennes  dans  ou  en  dehors  de  celle­ci,  aux désirs qui les animaient alors, ou encore aux activités politiques qui sont les leurs dans la période actuelle. Toutes leurs réponses illustrent les évidents soubresauts qu’a connus cette organisation au fil du temps. 38 Nous  avons  pu  réunir  différents  éléments,  d’ordre  individuel  mais  surtout collectif, organisationnel, et contextuel. En dépit de la singularité de chaque vie, nous avons cherché à tisser tout un faisceau de récits collectifs croisés, pour voir finalement émerger quatre « grands » récits sur le parcours du militantisme des FAP depuis sa naissance jusqu’à  l’heure actuelle. Tout d’abord, nous identifions un parcours constitutif des FAP (que nous avons nommé « Pre­FAP »). Ensuite, nous rendons compte de la tentative d’instaurer un foyer de guérilla en Argentine (désignée  sous  l’expression  «  naissance  des  FAP  »).  Troisièmement,  nous évoquons  une  phase  marquante  de  séparation  interne  (que  nous  intitulons 39 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 12/31 Bref récapitulatif introductif «  Partisans  de  l’Ombre  contre  Partisans  de  la  Lumière  »).  Finalement,  nous présentons l’engagement politique actuel (phase de « contrainte des victimes »). Dans  le  même  temps,  nous  avons  identifié  différents  axes  et/ou  noyaux condensateurs de sens, pour voir comment ils se sont articulés à chaque moment du parcours. Ces axes sont le péronisme, la lutte armée, la révolution, la vie dans la clandestinité, la peur, les revendications politiques actuelles. Nous avons aussi évidemment retenu des événements tels que l’arrivée de Perón en 1973, et le coup d’État  militaire  en  1976.  Ce  qui  guidait  notre  démarche  n’était  pas  de  faire émerger une simple remémoration des moments historiques, mais de susciter une lecture du présent et la façon dont le passé se donne à voir. Lorsque nous arrivions à l’évocation des espoirs qu’ils avaient, à l’heure actuelle, de changer le système, ce qui  s’imposait  de  manière  criante  dans  les  discours  était  généralement  la culpabilité d’avoir survécu, les traces de la mort et de la torture. Dans cette partie ont été retenus les récits sur la tentative d’instaurer un foyer de guérilla en Argentine. Nous allons nous intéresser à l’adhésion à la stratégie du foyer  («  estrategia  del  foco  »)  et  à  sa  réorientation  dans  le  contexte  argentin, durant la période de militantisme radicalisé. 40 En Argentine,  la période qui  s’est  ouverte  après  la dictature du Général  Juan Carlos Onganía, en 1966, a fonctionné comme le déclencheur d’un processus sans précédent  de  mobilisation  des  masses  et  d’intense  activité  politique,  avec  le développement  d’une  gauche  péroniste  et  marxiste.  Ce  contexte  a  constitué  le théâtre —et  le  terreau— du développement des organisations politico­militaires, dont  les  traits  caractéristiques  se  profilaient  depuis  l’étape  de  la  Résistance Péroniste,  qui  n’avait  eu  jusqu’alors  qu’un  faible  impact  sur  la  société  de l’époque31. 41 Parallèlement,  les mouvements  de  libération  nationale —  en  Amérique  latine comme  dans  d’autres  pays  du  Tiers­Monde  (Algérie,  Chine  et  Vietnam) —,  ont marqué  la  politique  de  cette  période,  et  ont  imposé  des modèles  de  lutte  pour atteindre  une  transformation  sociale  radicale.  Dans  le  cas  particulier  de l’Argentine,  il  convient  de  mettre  en  évidence  la  fascination  qu’ont  exercés  le triomphe de la Révolution cubaine ainsi que la geste d’Ernesto Che Guevara sur le militantisme de ces années­là, où se sont forgées la mystique de la lutte armée et la figure du Guerrier héroïque et de l’« Homme nouveau » (« el Hombre nuevo »). 42 Dans  une  large  mesure,  les  faits  qui  se  sont  produits  à  Cuba  furent  perçus comme le modèle d’une nation pauvre et dans une situation de dépendance, mais capable  de  défier  l’impérialisme  pour  instaurer  une  politique  nationaliste révolutionnaire et mettre en place le socialisme (loin de la gauche traditionnelle et sans  l’appui d’une classe ouvrière). La guerre de  libération cubaine a marqué  la politique de l’époque en constituant  le référent absolu dès  lors qu’il s’agissait de luttes contre l’injustice et l’oppression. De telle sorte que, si la Révolution cubaine fut  une  révolution  armée,  alors  l’insurrection  argentine  pouvait  être  pensée  à travers des méthodes  semblables. Cet  épisode a donc démontré  l’efficacité de  la guerre de guérillas dans la lutte pour la prise du pouvoir32. 43 Les  débats  autour  de  la  nécessité  de  lancer  la  lutte  armée,  toutefois,  se déplacèrent rapidement vers les modalités d’inauguration de ces actions. Pendant ces années­là, la conception du foyer de guérilla prit la forme d’une stratégie pour lancer  la  guerre  de  guérilla  et  réaliser  la  révolution  en Argentine33.  A  travers  la défaite  militaire  de  l’ennemi,  la  thèse  du  foyer  insurrectionnel  constitue indubitablement  la  première  pierre  de  la  stratégie  menant  à  la  conquête  du pouvoir. 44 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 15/31 Il fallait développer et ouvrir les consciences pour pourvoir faire la révolution. C’était notre travail. La guérilla était menée pour permettre de faire prendre conscience. Le foyer insurrectionnel, c’était cela, c’était un foyer qui, à partir de l’exemple, se répandait pour développer la guerre du peuple. Et tout ce qu’on faisait dans les églises, au théâtre, au cinéma, dans l’art, avait la même fonction. C’est­à­dire que tous œuvraient au même objectif. Nous autres, nous faisions partie d’une chose, c’est très important de le comprendre. (B.V., Buenos Aires, 15/04/2008). Nous, nous considérions que les deux formes de guérilla étaient nécessaires dans un pays comme l’Argentine, et que nous devions coordonner ces deux choses. L’idée, alors, c’était d’ouvrir un front à Tucumán avec le « Destacamento Montonero 17 de octubre », et un autre en ville, appelé « Destacamento Des­camisado ». Après la première opération, on prévoyait de distribuer une proclamation signée, et à partir de là, l’opération en ville et la diffusion du programme dans la ville avec les détachements des descamisados de la ville. (D.C. Buenos Aires, 17/05/2008). s’agit bien pour cette organisation d’interpeller la subjectivité des populations, et de  jouer  le  rôle  de  générateurs  de  conscience  jusqu’à  l’avènement  de  la  guerre populaire. Leur finalité était par conséquent révolutionnaire : L’application  de  la  stratégie  du  foyer  insurrectionnel,  cependant,  était  loin d’être  incorporée  de  façon  mécanique.  D’où  le  fait  que  nous  n’ayons  pas  posé l’étroite  relation  avec  l’essor  des mouvements  de  libération nationale  au niveau mondial  en  termes  d’orthodoxie  universelle, mais  dans  un  cadre  plus  large  qui leur  permettait  d’adapter  à  leur  propre  réalité  politique  les  principes  les  plus généraux  de  l’expérience  cubaine,  des  écrits  militaires  de  Guevara  et,  avec  un intérêt plus particulier, de sa geste héroïque, de façon à alimenter la formation de visions  révolutionnaires.  Dans  cette  perspective,  la  mise  en  place  du  foyer insurrectionnel en zone rurale avait été recréée selon les conditions de la réalité du moment  et  les  choix  de  l’organisation.  Il  y  avait  ainsi  un  écart  certain  entre  le « rite » proposé par Guevara et le « paysage propre » conformé par l’organisation. 53 Pour  le  dire  autrement,  c’est  la  convergence  de  représentations  et  pratiques guerrières  de  passés  immédiats  et/ou  plus  lointains,  nationaux  et/ou internationaux, qui a en grande partie canalisé le processus de formation de cette organisation.  C’est  donc  ainsi  tout  un  ensemble  de  symboles  anciens  et  de références  plus  actuelles  issues  de  processus  révolutionnaires,  qui  furent incorporés à leur propre système idéologique de luttes politiques, et qui donnèrent une  impulsion  et  alimentèrent  la  recherche  d’un  changement  (au­delà  des méthodes). Nous voyons ainsi, par ces ambiguïtés, que l’organisation se trouvait alors,  dans  l’élaboration  d’une  vision  à  caractère  contestataire,  à  un  moment­ charnière,  comme  prise  en  étau  entre  deux  temporalités  :  une  certaine  époque, déjà révolue, du péronisme, et le temps non encore advenu de la révolution. Rien de fortuit, en effet, à ce qu’au sein des FAP (et d’autres organisations péronistes) les  objectifs  visant  la  réinstauration  de  la  démocratie  ou  le  retour  de  Perón  se soient  mêlés  à  des  idéaux  autrement  plus  radicaux  et  audacieux,  comme  la conquête du pouvoir par le Peuple ou la volonté de transformer le monde. 54 Dans cette perspective, ils préconisèrent l’organisation d’un groupe pour mener à terme leur propre idée du foyer insurrectionnel, selon le principe que ce dernier « devait avoir comme fondements une solide base populaire formée par les gens des alentours, la lutte urbaine, et le travail à la base » (DUHALDE et PEREZ 2003 [2001],  115).  A  la  différence  des  théories  guévaristes  sur  le  maquis,  les  FAP considérèrent  l’importance  de  mettre  en  place  un  foyer  d’insurrection  en  zone urbaine, idée que vint renforcer l’échec bolivien d’Ernesto Guevara en 1967. Seul le groupe issu de l’organisation Tupamaros défendit cette théorie, qui reçut le nom de « théorie de deux pieds » : 55 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 16/31 L’échec du foyer insurrectionnel, ou le lancement de la lutte armée ? Ainsi fut choisie, comme base de l’action collective, la localité de Taco Ralo, au sud de la province de Tucumán, les montagnes des alentours constituant le lieu idéal à partir duquel lancer les opérations. C’est donc malgré tout le groupe situé en zone rurale —parce qu’il lui incombait d’engager l’action, et indépendamment des postulats de la « théorie des deux pieds »—, qui nourrissait tous les espoirs. L’autre divergence avec la thèse guévariste du foyer est que, si dans celle­ci il était fondamental de cacher l’identité des combattants qui allaient réaliser l’opération militaire  (le  but  étant  de  mettre  en  avant  une  méthode  et  une  idéologie),  les membres des FAP, au contraire, prévoyaient de  se  faire  connaître publiquement dès  lors qu’avait été engagée  la première action. Ils considéraient en effet que  la visibilité dans l’espace public impliquait et requérait de se faire connaître comme organisation  autant  que  comme  individus,  et  prévoyaient  ainsi  de  signer  en utilisant leurs noms et prénoms : « Ceci constituerait  la première manifestation publique de résistance contre cette dictature », faisait remarquer l’un d’eux (G.A., Gotemburgo, 27/08/2008). 56 Le  second  foyer  fut  mis  en  place  à  La  Cañada  (localité  de  Taco  Ralo).  Les guérilleros s’installèrent sur un terrain qu’ils avaient acheté eux­mêmes le 12 août 1968, pour en  faire une base d’« adaptation, de compréhension et de  formation des intégrants » (Destacamento guerrillero 17 de octubre, 1969, op. cit., 110). La finalité, au terme de la phase d’entraînement, était de se déplacer vers des « zones plus propices à ce type de lutte, et de n’engager les combats qu’une fois parvenus en ces lieux » (Destacamento guerrillero 17 de octubre, 1969, op. cit., 110). Le but initial était de gagner  la Sierra de Chacuna, et de stocker en divers endroits des provisions,  des  médicaments,  des  aliments  et  des  armes.  Le  mois  suivant,  ils envisageaient  le  début  des  opérations  par  l’attaque  d’un  commissariat,  pour  se faire ensuite connaître publiquement. 57 Les  caractéristiques  topographiques  de  Taco  Ralo  étaient  idéales  pour  les objectifs du groupe: densité de la végétation, sol argileux, faible visibilité. L’autre avantage était que très peu de véhicules circulaient dans la zone. La population environnante,  toutefois,  malgré  sa  faible  densité,  pouvait  surprendre  des agissements suspects. Dès l’achat du terrain effectué, le reste du groupe s’y rendit pour  y  organiser  un  campement,  qui  reçut  le  nom  de  «  El  Plumerillo  ».  Les habitants de la zone, d’après les témoignages recueillis dans différents journaux, «  commencèrent  à  observer  à  partir  de  ce  moment­là  toute  une  série  de comportements singuliers »36. Devant l’inquiétude de ces —quelques— locaux, la Direction  des  Investigations  de  la  Préfecture  de  Police  de  Tucumán  décida d’intervenir,  soupçonnant  qu’il  pouvait  s’agir  de  contrebandiers,  alors  qu’au même  moment,  le  Département  d’Intelligence  Militaire  recevait  un  rapport indiquant la possible présence de guérilleros dans le Nord de l’Argentine. 58 A l’aube du 19 septembre, de retour d’une randonnée, une partie du groupe fut surprise par une patrouille commandée par la Police de Tucumán, qui les arrêta immédiatement  et  saisit  tout  le matériel,  à  savoir  65  caisses  d’armement  et  de nourriture  pour  pouvoir  tenir  plusieurs  mois,  des  sacs,  des  plans,  des photographies aériennes, de la littérature et des journaux. Aucune victime ne fut à déplorer  malgré  l’amplitude  d’une  opération  dans  laquelle  était  engagée  une soixantaine  d’hommes  avec  des  véhicules.  Les  détenus  furent  conduits  à  la Coordination Fédérale, puis déplacés dans différents commissariats (où ils furent férocement torturés), jusqu’à ce que fût prononcée la condamnation. 59 A  peu  près  un  mois  après  l’arrestation,  deux  documents  furent  élaborés  et60 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 17/31 publiés dans Cristianismo y Revolución (CyR). Sous les titres de « Destacamento Guerrillero  17  de  octubre  »  (novembre  1968)  et  «  La  guerra  Revolucionaria  del Pueblo:  sus  tareas  fundamentales  »  (janvier  1969),  ils  firent  connaître  les conditions  de  détention  et  —élément  à  mettre  en  évidence—,  définirent  leur identité politique. Bien qu’ils ne fussent pas fait connaître selon les modalités qu’ils avaient fixées, ils  incitèrent  cependant  au  lancement  de  la  lutte  armée,  comme  le  rappelle, quarante ans plus tard, un des militants interviewés, membre des FAP : « Ce fut un  échec  militaire  scandaleux  qui,  en  raison  de  la  situation  politique,  s’est transformé  en une  victoire politique. »  (G.A. Gothembourg,  27/08/2008). Et  le fait  est  qu’il  y  eut,  durant  la  période  60­70,  au moins  dix­sept  groupes  armés, parmi lesquels cinq eurent une portée et une envergure nationales. Le phénomène de radicalisation dépassait largement le péronisme puisque, parmi les principales organisations,  on  en  comptait  d’autres  de  tendance marxiste  et  guévariste.  Ces principales  organisations  étaient  :  les  “Fuerzas  Armadas  Peronistas”  (“Forces Armées  Péronistes”,  FAP),  les  “Montoneros”,  les  “Fuerzas  Armadas Revolucionarias”  (“Forces  Armées  Révolutionnaires”,  FAR),  les  «  Fuerzas Armadas de Liberación » (« Forces Armées de Libération », FAL), et  le “Partido Revolucionario de  los Trabajadores  / Ejército Revolucionario del Pueblo”  (“Parti Révolutionnaires  des  Travailleurs  /  Armée  Révolutionnaire  du  Peuple  »,  PRT­ ERP).  A  partir  de  1975  (peu  de  temps  avant  le  Coup  d’État  de  1976),  les organisations les plus importantes étaient le PRT­ERP, les Montoneros et, aussi, l’« Organización Comunista Poder Obrero » (« Organisation Communiste Pouvoir Ouvrier », OCPO). 61 Dans  une  très  large mesure,  les  actions  se  sont  caractérisées  par  l’attaque  de casernes,  de  banques,  par  l’enlèvement  et  l’assassinat  (“ajusticiamientos”)  de militaires, de policiers, d’hommes d’affaires et de syndicalistes considérés comme « bureaucratisés » (« burocratizados”). Au moment où ces actions armées étaient en  plein  essor,  les  FAP  connurent  de  nombreuses  dissensions  qui  eurent  un impact notable sur les opérations. Ces dernières, dans leur ensemble, furent dès le début  durement  réprimées,  et  les  guérillas  furent  en  général  considérées  et désignées  comme «  l’ennemi  ».  Ces  actions,  précisons­le,  s’inscrivaient  dans  le contexte  particulier  qui  précédait  le  Coup  d’État  de  1976,  c’est­à­dire  dans  un climat  de  spirale  de  violence  alimentée  à  la  fois  par  la  guérilla,  l’État  et  les organisations  paraétatiques  (la  plus  importante  des  organisations  d’extrême droite a été l’Alliance anticommuniste argentine : la triple A37). 62 Aborder  la  constitution du noyau «  initial » ou « primaire » des FAP, et  son expérience,  à  travers  le  prisme  de  la  stratégie  du  foyer  insurrectionnel  en Argentine, met en évidence un ensemble de caractéristiques sur le développement de  la  lutte  armée.  Telles  qu’elles  ressortent  du  parcours,  ces  caractéristiques peuvent être résumées de la manière suivante : 63 a) la militarisation de certaines organisations politiques de l’époque ;64 b) la dimension bien souvent spectaculaire des opérations ;65 c)  la  mise  de  côté  des  récits  sur  les  projets  révolutionnaires  qui  ont  échoué (comme  par  exemple  la  tentative  d’instauration  d’un  foyer  de  guérilla  à  Taco Ralo) ; 66 d) le « foyer », dans l’univers de croyances du groupe, constituait le chemin qui mènerait à la révolution. Ce désir partagé trouverait son accomplissement avec la réalisation de l’idée éthico­morale de l’« homme nouveau » ; 67 e) le silence actuel s’explique par la dureté des critiques qu’a reçues la théorie du foyer au sein des organisations ; 68 f) Malgré toutes les critiques et autocritiques, tous les témoins que nous avons rencontrés  sont  toujours  dans  le militantisme  social  et  politique,  à  la  fois  pour poursuivre  leur  engagement,  mais  également  pour  réaliser  un  travail  de 69 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 20/31 Je pense qu’il faut distinguer entre ce que sont les erreurs politiques et, ce qu’est l’autocritique des expériences personnelles. Quoi qu’il en soit, je ne regrette rien de tout ce que j’ai fait et, de plus, cela m’a beaucoup plu. Je sais que ce furent des erreurs mais, en même temps, de mon point de vue, je regretterais de ne pas avoir vécu cette expérience qui m’a constitué pour la vie entière. (P.A., Gothembourg, 27/05/2008) Je ne sais pas ce que ça peut être, je ne saurai pas dire pourquoi je suis toujours au milieu de tous les conflits, je ne saurai te le dire, mais c’est ainsi. Il doit bien y avoir une raison pour que je me trouve toujours mêlé à ces choses. Depuis toujours, historiquement, ce sont tant et tant d’années : si ce n’est pas pour une raison, c’est pour une autre. Parfois, je me demande pourquoi je continue à me fatiguer avec tout ca, mais non, je continue, je m’engage toujours dans quelque chose, et en avant ! (F.J., Buenos Aires, 12/08/2007). A présent nous disons « changement social » là où, avant, nous disions « patrie socialiste » ou « nous voulons faire la révolution », car en réalité le motif c’était celui­là, c’était faire la révolution à tout prix. (A.J., La Plata, mai 2008). C’est cette morale, ce sens (voir leurs espoirs un jour réalisés, « toucher le ciel avec ses mains ») qui élaborent leur propre être révolutionnaire. Actuellement, les hommes  et  les  femmes qui  intégrèrent  les  FAP  et  le  PB  se  considèrent  toujours comme des militants  révolutionnaires,  ce  qu’illustre  le  fragment  de  témoignage suivant : 78 À  grands  traits,  nous  pourrions  dire  que  l’identité  du  passé militant  articule aujourd’hui la vie de la plupart de ces personnes. Il existe encore des convictions et une identification au groupe. Ce sentiment de dépendance à l’égard du groupe a bien  évidemment  évolué  depuis  les  années  1960  et  1970,  mais  on  le  retrouve, toutefois,  dans  une morale  qui  détermine  des  discours  ainsi  que  des  pratiques. Même si les luttes anti­impérialistes ne sont plus vécues comme des phénomènes violents, les façons de mener à bien les luttes actuelles semblent s’être constituées comme  la  continuation de  cette  tâche  gigantesque  («  faire  la Révolution »)  qui faisait d’eux des protagonistes de l’Histoire, et conférait dans leur imaginaire un sens absolu à leur existence. Ainsi, la révolution est une instance transcendantale dévoreuse de corps, de désirs, de pratiques, de quotidiennetés actuelles. 79 Ceci ne signifie pas que cela soit le propre des militants de cette organisation, mais  la  différence  réside dans  le  fait  que  la majorité  des militants  associés  aux FAP (en continuité avec les attitudes qui étaient les leurs dans les années 1960­ 70), se sont tenus à l’écart de cette dynamique publique de révélation. 80 Entre  ce  qui  persiste  du  passé,  et  ce  qui  change  et  évolue,  nous  souhaitons signaler deux modalités par lesquelles ces militants agissent et transmettent leurs expériences. Ceci nous permet de frayer un chemin pour montrer leur continuité dans l’engagement : 81 Premièrement, et comme nous l’avons dit, beaucoup d’entre eux continuent de militer. A partir de ce témoignage, nous voulons souligner que, de toute évidence, ce postulat  a perdu de  sa  vigueur. La  révolution est une  invention politique  et, partant,  une  expérience  indéterminée  qui  dépend  du  contexte  et  des  situations temporelles.  La  révolution  telle  que  ces  militants  la  pensaient  alors  n’est  plus possible. Cependant, le « changement social » ne semble pas avoir la dimension d’un  postulat  actuel.  Dans  le  même  discours,  l’on  voit  combien  «  c’est  »  et « c’était » se confondent, comme si la recherche était toujours la même. Il s’agit en effet  d’une  mémoire  qui,  d’une  certaine  manière,  se  perpétue  au­delà  des changements  et  à  travers  une  structure  de  croyances  qui  les  renouvelle  dans  le présent. L’un des militants interviewés donnait la réponse suivante à la question 82 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 21/31 Je ne crois pas, je ne crois plus au processus de prise de pouvoir et de contrôle politique. Je crois toujours à un changement, mais pas de la même manière. Je crois que la seule possibilité de changement se trouve dans la mobilisation depuis la base et dans le fait de changer ce que tu peux, là où tu te trouves (…), voilà la forme du changement actuel et révolutionnaire.] (C.V. Gothembourg, 24/08/2008). Je continue de militer car je continue de croire qu’il faut réaliser la transformation; la base que continue d’incarner le peuple, disons­le, c’est lui le seul capable de mener à bien cette transformation, réaliser cette transformation parce que c’est nous qui avons un intérêt à réaliser un changement (…) et je continue de croire que c’est possible, je crois que c’est pour cela que je milite toujours. (V.B., Buenos Aires, 11/05/2008) la disparition, l’absence des corps, laissent planer une incertitude sur la réalité de l’injustice dénoncée, dans le même temps qu’elles impliquent un déplacement du statut victimaire, de la victime à ses proches qui, eux, souffrent de son absence et de l’incertitude sur son sort. «  Et  maintenant,  croyez­vous  toujours  à  la  possibilité  d’un  changement révolutionnaire ? » : A  travers  leur  exemple  —et  leur  histoire—,  ils  s’adressent  à  une  nouvelle génération  pour  transmettre  leurs  expériences  et  bâtir  leur mémoire.  Il  y  a  eu, certes, un déplacement dans les demandes et dans les acteurs, car ce sont les sans emploi  et  les  personnes  précarisées  qui  exigent  un  changement.  Mais  ce  qui subsiste, c’est la revendication liée à la dignité, à la démocratie de base, la lutte et l’autogestion. Le souvenir de l’organisation de base (« basista ») perdure dans la pratique d’alternatives politiques actuelles, liées à des expériences de travail ; et ce souvenir agit comme guide des actions dans la lutte pour un « monde meilleur ». 83 Dans ce sens, comprendre ce qui persiste du passé, et/ou ce qui se transforme, demande une ouverture à des interprétations qui renouvellent les réflexions sans perdre de vue ce qui demeure, c’est­à­dire l’objectif de faire la révolution. Après les années 2000, le passé révolutionnaire a ressurgi — nous dirons plutôt qu’il avait toujours été là, comme occulté —, et ce, précisément, parce que la révolution est un fait inachevé. 84 Or,  comme  nous  l’avons  postulé  dans  l’introduction,  les  thématiques  sur  la mémoire  et  le  militantisme  sont  au  présent  indissociables  de  l’irruption  d’un discours  qui  les  porte  et  leur  confère  du  sens  :  il  s’agit  du  discours  sur  la victimisation.  En  ce  sens,  ce  que  nous  présentions  comme  l’une  des problématiques  initiales  semble  désormais  être  résolu.  Quand  on  parle  de victimisation, on fait référence à deux sortes d’« affectés », qui sont à mettre en relation avec la question des disparus : 85 a) D’un côté, nous avons l’action de ces parents qui ont perdu un proche ou des personnes  qui  ont  survécu  aux  centres  clandestins  de  détention.  Ceux­ci présentent des similarités avec les « mobilisations de victimes ». Pour reprendre la définition que donnent Lefranc, Mathieu et Siméant (2008, 11), nous pourrions dire que : 86 b)  De  l’autre  côté,  nous  avons  ces  militants  qui  ont  survécu  aux  centres clandestins  de  détention  dans  lesquels  on  a  fait  disparaître  leurs  compagnons. Ces militants sont les « victimes » des tortionnaires de la dictature militaire. Ils témoignent de ce qu’ils ont vu ou entendu pendant leur captivité, mais également au  nom de  tous  ceux  qui  ne  peuvent  pas  le  faire  :  à  savoir,  les  disparus. Nous avons aussi  tous ceux qui ne sont pas passés par  les centres de détention, mais dont le témoignage prétend rendre compte, au présent, de ce passé douloureux. 87 Quoi  qu’il  en  soit,  anciens  et  nouveaux militants  ont  édifié  une mémoire  qui88 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 22/31 Pour moi, militer c’est s’engager continuellement dans des causes que nous considérons utiles, justes, dans lesquelles il faut mettre toute notre énergie pour en assurer le triomphe. Parce qu’elles valent le coup, et parce que, tout compte fait, il n’y a pas d’autre façon de vivre : je crois que c’est anthropologique, je crois que c’est inscrit dans nos gènes. Tendre à faire le bien. Militer, donc, c’est ça, c’est militer pour cette idée, cette force qui s’appelle révolution. Hier, ça s’appelait socialisme, aujourd’hui c’est la lutte politique pour la défense des droits de l’homme. (R.F. Buenos Aires, 25/04/2008) Nous sommes le présent des compagnons qui sont tombés, la défaite subie par l’organisation, et le peuple tout entier. Il nous incombe de faire acte de mémoire (…) par un travail politique de tous les jours (…) générateur de changement [révolutionnaire] y surtout de justice.] (R.B., La Plata 15/04/2007) Je me reflète dans tous ceux qui ont disparu dans leur lutte pour un monde meilleur. Ma mission est de poursuivre l’idée du changement, pour eux, pour ceux d’entre nous qui restent et pour tous les jeunes qui risquent leur vie aujourd’hui. Le passé me fait très souvent me sentir coupable, peut­être ai­je survécu pour mener à bien, avec mes compagnons, le devoir et la transmission de la lutte. (G.D. Buenos Aires, 28/07/2008) s’appuie  sur  la  solidarité  à  l’égard  de  leurs  camarades  assassinés.  La revendication idéologique que ceux qui sont morts soient traités non comme des victimes mais  comme  des  combattants  prend  de  l’ampleur  actuellement,  alors qu’elle  était  fortement  minoritaire  au  tout  début  du  retour  à  la  démocratie. Comme le fait remarquer Vezzetti, « l’horizon de cette mémoire n’est pas celui des droits mais des luttes politiques, de la continuité d’une identité militante » (2002, 39). C’est le sens que ce militant donne au militantisme dans l’actualité : Bien  que  le  travail  de mémoire  puisse  être  l’occasion  de  passer  des  identités collectives aux identités « narratives » —lesquelles n’enferment pas les individus dans un passé sacralisé—, nous considérons que ces discours sur la victimisation se sont établis comme une dynamique actuelle de l’engagement politique. Sachant que le conflit, selon Georg Simmel, est constitutif de  l’identité de ces personnes, l’engagement pour une cause juste, continue de les mobiliser. Cela ne signifie pas qu’ils se présentent et se définissent comme des victimes, mais qu’ils se servent de ce rôle pour faire valoir ces revendications passées. C’est ce que Vicente Palermo nomme l’orgueil des vaincus” (“el orgullo de los vencidos”, Palermo, 2004, 187) : 89 Pour  reprendre  le  concept  de  traumatisme  historique,  Fassin  et  Rechtman signalent que « la mémoire collective s’inscrit comme un rapport traumatique au passé par  lequel  le groupe s’identifie comme victime à  travers  la reconnaissance d’une expérience partagée de violence subie » (FASSIN et RECHTMAN, 2007, 29). Le  traumatisme,  loin  d’être  posé  comme  une  question  clinique,  s’installe  ainsi comme un jugement moral qui confère de la légitimité et qui réactualise les luttes passées de ces militants. 90 Les figures du condamné, du disparu —en d’autres termes celles de la victime—, semblent s’ériger comme les catégories discursives qui organisent actuellement le sens de  la mémoire. Nous voulons dire que si  le noyau de cette récupération du passé réside dans le sentiment du devoir et dans celui de responsabilité envers les victimes  (afin de poursuivre  la  lutte  et pour que  justice  soit  faite),  l’idéal d’une mémoire doit s’étendre à toutes les victimes d’une violence qui n’aurait jamais dû avoir lieu. Sans doute conviendra­t­il de rendre compte, aussi, des crimes commis par les guérillas, et ce outre la transmission d’une expérience et l’élaboration d’un imaginaire héroïque, et outre  le  fait de se présenter comme sujets autonomes et dénués  de  responsabilité.  Ceci  semble  indispensable  pour  construire  une 91 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 25/31 Format APA MLA Chicago Le service d'export bibliographique est disponible pour  les  institutions qui ont souscrit à un des programmes freemium d'OpenEdition. Si  vous  souhaitez  que  votre  institution  souscrive  à  l'un  des  programmes  freemium d'OpenEdition et bénéficie de ses services, écrivez à : access@openedition.org. Format APA MLA Chicago Le service d'export bibliographique est disponible pour  les  institutions qui ont souscrit à un des programmes freemium d'OpenEdition. Si  vous  souhaitez  que  votre  institution  souscrive  à  l'un  des  programmes  freemium d'OpenEdition et bénéficie de ses services, écrivez à : access@openedition.org. América Latina, Universidad de Viena, 2008, p. 267­286 ­­­­­­­­, Un  enemigo  para  la  nación:  orden  interno,  violencia  y  subversión,  1973­1976, Buenos Aires, Fondo de Cultura Económica, 2012. GARAÑO, Santiago et WERNER, Pertot, Detenidos – aparecidos. Presas y presos políticos desde Trelew a la dictadura, Buenos Aires, Editorial Biblos, 2007. 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Revista Lucha Armada en la Argentina 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 30/31 (GUEVARA, 1964, 32). 34  Pour  des  travaux  sur  la  nouvelle  gauche,  se  référer  à  HILB  et  LUTZKY,  1984,  et  à TARCUS, 2007. 35  Avant  d’aller  plus  avant,  il  convient  de  préciser  quelle  fut  l’influence  des  tentatives insurectionnelles du Commando « Uturunco » (1959­1960) et, en particulier, de l’« Ejército Guerrillero del Pueblo »  (EGP,  1963),  qui  furent des  formations  antérieures  aux FAP,  et dont  l’objectif  était  d’installer  un  foyer  en  zone  rurale  dans  le  Nord  argentin.  Ces expériences,  l’une comme l’autre, eurent  le mérite d’avoir été  les premières tentatives de synthèse  de  l’expérience  de  la  Révolution  cubaine  et  d’implantation  de  la  guérilla  en Argentine. Sur les origines et  le développement de ces groupes, voir (2006 [2003]) y Rot (2000).  De  la  même  façon,  il  est  important  de  dire  un  mot  d’une  autre  tentative d’implantation d’un foyer de guérilla dans les provinces de Tucumán et Santiago del Estero, par les « Forces Armées de la Révolution Nationales » (Fuerzas Armadas de la Revolución Nacional,  FARN). Dirigées  par  Ángel  Bengochea,  et  connues  par  la  suite  sous  le  nom  de “Groupe  de  la  Rue  Posadas”  (“Grupo  de  la  calle  Posadas”,  1964),  nom  qui  trouve  son origine dans l’explosion de l’appartement de la rue Posadas à Buenos Aires. Cet événement, évidemment, mit  fin à  l’organisation en tant que structure, mais n’empêcha pas  le projet de suivre son cours. 36 Citons, entre autres références, Gente y la actualidad, Primera plana, Con todo. 37 La triple A était une organisation para­policière et paraétatique créée par le ministre du Bien­être social du gouvernement péroniste, José López Rega, représentant du péronisme d’extrême droite. Elle commence à agir à la fin de l’année 1973 avec des menaces, des listes noires et des attentats à  la bombe contre des artistes, des  intellectuelles, des  journalistes, des syndicalistes et des avocats liés à divers mouvements de gauche. Voir PAINO, 1984. 38 Il faut souligner que, dans une analyse qualitative, la généralité est donnée par le cadre des  entrevues.  On  ne  peut  jamais  projeter  l’univers.  L’ensemble  des  entrevues  réalisées (131) a de toute évidence un poids indéniable. 39 Sur la discipline interne, la moralité et la totalité, voir le travail de CARNOVALE, 2011. 40  Comme  le  fait  observer  Franco,  «  l’autoritarisme  et  les  pratiques  répressives  y disciplinaires commencèrent bien avant 1976 », de façon clandestine mais essentiellement comme  une  «  politique  officielle  systématique  des  gouvernements  démocratiques péronistes  entre  1973  et  1976  (idéologiquement  associée  aux  politiques  de  sécurité nationale)  et  avec  l’appui  de  divers  secteurs  politiques  exerçant  une  responsabilité institutionnelle. » (FRANCO, dans Andreozzi, 2011: 253). 41 Cette expression fait référence à l’état d’exception. Elle a été employée pour signaler les régimes militaires mis  en  place  dans  les  dictatures  du Cono  Sur  latino­américain  entre 1962 et 1980. Dans le cas de l’Argentine, voir l’analyse réalisée par DUHALDE, 1999 [1983­ 1984]. 42  A  propos  de  l’application  de  la  catégorie  de  «  génocide  »  aux  crimes  commis  en Argentine, voir le texte de ROZANSKI dans Andreozzi, 2011. 43 J’ai étudié cette notion de manière plus précise lors de mon intervention dans le cadre du Colloque « La notion de révolution en Amérique latine, 19e ­20e siècles » (2010). 44  Vezzetti  se  réfère  en  particulier  au  débat  virulent  qui  a  fait  suite  au  témoignage d’Héctor Jouvé sur les assassinats qui ont eu lieu au sein même de l’Armée de Guérilla du Peuple (“Ejército Guerrillero del Pueblo”), et dirigés contre ses propres membres. 45 Voir PALERMO, 2004, 181­187. Pour citer cet article Référence électronique Paula Sombra, « Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimisation », Conserveries mémorielles [En ligne], # 15 | 2014, mis en ligne le 10 mai 2014, consulté le 29 mars 2016. URL : http://cm.revues.org/1779 Auteur Paula Sombra Doctorante en sociologie à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales et à 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 31/31 l’Universidad de Buenos Aires sous la direction des professeurs Louis QUÉRÉ et Hugo VEZZETTI, Paula SOMBRA réalise actuellement une thèse intitulée : « Des récits de la résistance aux récits de la révolution. Parcours de la mémoire militante et continuité d’un rêve révolutionnaire en Argentine». Ses principaux axes de recherche sont la mémoire, le temps, l’identité, les récits. Récemment, elle a participé à l’ouvrage coordonné par Mélica OUENNOUGHI, Mémoires, histoire des déplacements. Héritages et legs (XIX°­XX° siècles), à travers un article portant sur « L’influence et le legs de l'expérience algérienne dans l'Argentine des années 60­70 », publié en 2013. Articles du même auteur Écrire À partir de la parole ou l’appréhension des souvenirs : une réélaboration au présent du passé récent en Argentine [Texte intégral] Paru dans Conserveries mémorielles, #9 | 2011 Droits d’auteur Conserveries mémorielles est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution ­ Pas de Modification 4.0 International.
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