Baixe SOMBRA, PAULA. Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine e outras Notas de estudo em PDF para Antropologia, somente na Docsity! 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 1/31 Conserveries mémorielles Revue transdisciplinaire de jeunes chercheurs # 15 | 2014 : Les courbes du temps: trajectoire, histoire et mémoire De l'individuel au collectif : usages de la trajectoire dans la construction mémorielle Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimisation A collective journey around political activism in Argentina: the memory of "revolutionary fighters" discourses on victimization PAULA SOMBRA Résumés Français English Les Forces Armées Péronistes (FAP) furent une organisation politicomilitaire d’origine péroniste, créée dans la province de Buenos Aires (Argentine) en 1967. Malgré la notoriété qu’a connue le débat sur le thème de la mémoire dans l’espace public argentin, les FAP ont toujours gardé le silence, alors que ses membres, dans leur quasitotalité, poursuivent actuellement leur engagement politique, et témoignent souvent d’une faible prise de distance avec leur passé. Comment appréhender et aborder l’expérience des FAP et comprendre la mémoire du militantisme des années 6070 dans l’actualité ? Cet article se propose ainsi de revenir sur deux aspects spécifiques qui soustendent le travail d’élaboration de la mémoire du militantisme sur le passé récent argentin. Le 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 2/31 premier est le processus des expériences de continuité politique; quant au second, il s’inscrit dans la réflexion sur les politiques du pardon et le processus de reconstruction mémorielle (mais aussi nationale) des sociétés ayant souffert de traumatismes importants. L’analyse de ces deux processus implique de prêter une attention toute particulière —à travers un parcours particulier—, à tout un ensemble de formulations idéologiques, de pratiques et de valeurs collectives qui structurent les FAP et qui, au fil des ans, ont peu à peu délimité les frontières d’une expérience et conféré un sens aux actes, de façon à assurer la pérennité de l’engagement politique. Ce découpage se fonde sur la certitude que les clefs interprétatives pour la compréhension de l’expérience des combattants révolutionnaires dans l’actualité sont à trouver dans les discours de la victimisation. The Armed Forces Peronists (FAP) were originally a Peronist politicalmilitary organization established in the province of Buenos Aires (Argentina) in 1967. Despite known debate on the theme of memory in the Argentine public space, the FAP have always remained silent while its members – almost all of them currently pursuing their political commitment – often show few distance with their past as activists. How to understand and address the experience of exFAP members? How can we understand activism memory? This article examines two specific aspects underlying the development work of the memory of the recent past activism in Argentine. The first is the continuity of political experiences troughout time while the second engages the policies of forgiveness and the process of personal (and national) memorial reconstruction in countries that have suffered major collective traumas. This paper pays particular attention to a variety of ideological formulations, practices and collective values that structure the FAP and, over the years, have progressively defined the boundaries of a given experience and meaning to actions, so as to ensure the sustainability of political commitment. The analysis is founded on the certainty that interpretative keys to understand the experience of revolutionary fighters are to be found in the discourse of victimization. Entrées d’index Motsclés : mémoire, militantisme politique, lutte armée, présent, victimisation Keywords : memory, political activism, armed struggle, present, victimization Géographie : Argentine Index chronologique : Années 1960 Texte intégral Quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. Marcel Proust, « Combray », Dû côté de chez Swann Les Forces Armées Péronistes (las Fuerzas Armadas Peronistas, FAP) furent une organisation politicomilitaire d’origine péroniste, créée dans la province de Buenos Aires (Argentine) en 1967 (même si sa première apparition publique ne date que de l’année suivante). Sous l’influence des préceptes de Che Guevara —et parce qu’ils identifièrent le péronisme à un mouvement de libération nationale sur le principe de « la lutte armée comme seule forme de lutte » (« Destacamento guerrillero 17 de octubre », 1969, dans Duhalde et Pérez 2003 [2001], 115)—, ils essayèrent, initialement, de créer un foyer insurrectionnel et d’amorcer la lutte armée avec pour objectif, à terme, de livrer une Guerre Totale, autrement dit une guerre populaire et durable pour permettre le retour de Perón au pouvoir et 1 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 5/31 Les mémoires du militantisme et les représentations de chaque présent : un parcours par la scène politique et culturelle argentine entrées, les approches, de déplacer le regard pour se décentrer de certaines catégories, et concevoir les données biographiquesde manière différente4. Quatre interrogations structurent notre argumentation : comment faire émerger la mémoire d’une époque caractérisée par l’entreprise collective de jeunes idéalistes qui luttaient pour changer le monde, lorsque toutes ces expériences ont, depuis, été marquées et traversées par le terrorisme d’État et le souvenir de ces milliers d’assassinats ? Dans quelle mesure cette catégorie de victime devient la figure politique actuelle qui réorganise la représentation de l’expérience du militantisme d’autrefois ? L’émergence de la victimisation constituetelle un progrès dans la reconstruction de l’histoire récente ? Quel pourrait être l'apport du parcours de vie lié au militantisme à la connaissance sociologique pour une histoire récente ? Toutes ces questions —si elles ne permettent peutêtre pas de conclure sur les raisons précises de l’essor mémoriel sur le militantisme analysé à travers la figure de la victime—, contribuent toutefois à éclairer d’un jour nouveau la tâche ô combien complexe que suppose d’étudier la mémoire d’un passé récent et traumatique en Argentine. Nous consacrerons les pages suivantes à tenter d’élucider quelquesunes de ces questions. 12 La problématique liée à la mémoire est en effet, dans l’actualité, particulièrement présente, non seulement dans des pays comme l’Argentine, mais aussi dans d’autres pays de l’Amérique latine. 13 Nous pourrions, à grands traits et en guise d’introduction, définir la mémoire comme la façon dont les sujets construisent et donnent un sens au passé, afin de le transmettre. Disposer d’un cadre d’élaboration dans un présent déterminé, ainsi que d’un horizon d’attente, constituent des conditions inhérentes à la récupération de ce passé. En ce sens, les significations du passé dans le présent sont le fruit du traitement, de la fabrique interne des sujets impliqués. Toute mémoire est le produit d’un contexte social —toujours changeant—, et des champs de luttes culturelles et politiques, en compétition pour le contrôle du sens à donner au passé. Ajoutons, enfin, que toute mémoire est le produit de débats publics entre ce qui peut être dit, entendu et écouté, entre ce dont on peut se souvenir, et ce qu’il convient de passer sous silence et d’oublier (POLLAK, 1993b; RICŒUR, 2000; ROUSSO, 1996; VEZZETTI, 2002). On peut ainsi mettre en évidence que la mémoire est sélective et multiple. Et ce d’autant plus que les modalités adoptées peuvent faire référence à deux ordres distincts: tout d’abord, la mémoire liée aux témoignages ; ensuite, la dimension politique de la mémoire. Ces deux ordres ne s’opposent pas, et se caractérisent même par les étroites relations qu’ils tissent l’un avec l’autre. Nous avons donc, d’une part, la mémoire testimoniale, qui fait référence à l’émergence de souvenirs individuels et subjectifs, remémorés à la première personne et alimentés d’expériences collectives. Cette mémoire est généralement présentée comme une « place forte » de vérité parce qu’elle appartient à un ensemble de vécus partagés. D’autre part, la mémoire doit être entendue en référence à l’usage politique et institutionnel du passé, stimulé et impulsé non seulement par divers groupements et associations (issus de la société civile), mais aussi et fondamentalement par l’État. Cette 14 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 6/31 dimension politique fait clairement référence à la mémoire des crimes contre l’humanité et à la dénonciation d’un passé à caractère traumatique. En Argentine, la question de la mémoire est un héritage de la violence politique et sociale, du terrorisme d’État, et de la figure des disparus. Ceci explique que cette question ait été associée à la défense des droits de l’homme et aux demandes en faveur de la « vérité et [de la] justice », ou du châtiment des coupables. Quoiqu’il en soit — et comme le fait remarquer Vezzetti —, la justification de leurs contenus « n’est pas immunisé contre le passage du temps », ce qui explique qu’en Argentine, depuis 1983, « l’horizon ouvert dans le présent n’ait pas cessé de se déplacer » (VEZZETTI, 2002, 191). En ce sens, dans le parcours de la mémoire, ce qui intéresse n’est pas tant le passé récent, pour luimême, mais la manière dont l’imaginaire politique est appréhendé, transmis et réactualisé, moment présent après moment présent, en construisant des souvenirs et donnant du sens à tel ou tel événement passé. Le cas du militantisme est une de ces mémoires qui font partie de la dialectique du passé et du présent qui se réactualisent sous divers aspects, et mettent en évidence que le passé n’est ni figé ni inaltéré. 15 Sans sousestimer la période de transition vers la démocratie, nous proposons de nous pencher sur certaines politiques de la mémoire autour de l’engagement contestataire à partir du milieu des années 90. Cette décision est due à divers changements politiques et sociaux qui ont constitué des ruptures dans le processus plus général des souvenirs du passé récent. Toutefois, on ne peut pas laisser de côté certains noyaux de récupération de ce passé à ce moment inaugural de la démocratie. En ce sens, deux discours narratifs fondamentaux de la démocratie ont un impact profond y durable dans la société argentine. Il s’agit tout d’abord de la publication du Nunca Más5(1984), résumé de la enquête réalisée par la Comisión Nacional por la Desaparición de Personas6 (CONADEP), qui est apparue comme l’élaboration « d’un cadre de vérité et de signification globale sur les différents sens à donner à ce passé » (Vezzetti, 2002, 19). Il s’agit, ensuite, en 1985, de la répercussion publique du Juicio a las Juntas Militares (« Jugement des Juntes Militaires »), inédite à l’échelle du continent, dont le point culminant fut le châtiment infligé aux plus hauts responsables7, et qui fut à l’origine des lois de réparation faite aux familles des disparus et aux survivants des disparitions. L’hyperprésence du thème dans la presse écrite au cours des neuf mois que dura le procès (et malgré les restrictions de sa diffusion télévisée8), ainsi que la diffusion de témoignages, constituèrent les points d’ancrage les plus notoires de la constitution de cette mémoire focalisée sur le terrorisme d’État et les atteintes aux droits de l’homme. 16 Ainsi, les attentes se sont portées sur la démocratisation et la revalorisation de la société civile, et sur l’obtention de la justice. Dans leur ensemble, les cadres institutionnels, mis en place afin d’établir un État de droit, se fondèrent sur une rupture politique et historique avec le passé antérieur. Ceci non seulement visà vis de la période dictatoriale, mais aussi à l’égard de la répression menée par le péronisme durant ses années de gouvernement démocratique9. Très rapidement, s’imposèrent de nouvelles figures pour caractériser la période que l’on souhaitait laisser derrière soi, les plus remarquables étant celles de la « guerre sale », que la « théorie des deux démons » est venue symboliser10. Cette formule bipolarisée a servi à exclure de la représentation d’une tradition démocratique tout aussi bien le terrorisme d’État amorcé en 1976, que la violence politique qui l’avait précédé. 17 De tout ceci a fini par émerger une figure, celle du disparu, « dans son caractère pur de victime, atteinte dans sa condition humaine, et bafouée par l’impunité d’un état ayant transgressé toutes les limites11 » (VEZZETTI, 2002, 116). La figure du « disparu » demeurait clairement, de cette manière, à l’écart de toutes les revendications politiques des organisations révolutionnaires réprimées par la dictature. Le consensus basique autour des « disparus » s’est ainsi fondé sur le 18 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 7/31 fait de les considérer comme des « victimes innocentes ». Cette vision, évidemment, contribuait à esquiver et à éluder tout engagement dans un projet politique. Durant cette étape, les groupements de défense des droits de l’homme furent en effet les porteparole des droits des victimes (disparus et/ou survivants), et des consignes de « mémoire, vérité et justice ». Certes, dans ce contexte discursif, les organismes de droits de l’Homme12 et, surtout, les Mères et les Grandsmères de la place de Mai, sont devenues des figures emblématiques par leur refus de l’oubli et leur volonté que la justice s’attaque au passé dictatorial. Les luttes pour la défense des droits de l’homme (et en particulier pour les droits des victimes) exprimaient une option éthique pour la nouvelle démocratie, qui cristallisait toutes les promesses de reconstruction politique de la société. Comme le fait remarquer Hugo Vezzetti, « c’est là que prend naissance, dans l’univers des victimes, une association durable entre les termes mémoire, démocratie et droits » (VEZZETTI, 2011, 288). 19 Les lois du « Point Final » (Ley de Punto Final, 1986) et de « l'Obéissance due » (Ley de Obediencia Debida, 1987) ont ouvert la voie à l’impunité juridique. Plus tard, un second gouvernement démocratique promulgua par décret l’amnistie (Leyes de Indulto, 1989 et 1990)13. Malgré tous les efforts pour promouvoir une « politique de l’oubli »14, les traces laissées par le « Juicio » et « Nunca Más » étaient toujours bien vivaces dans la société. Les organismes de défense des droits de l’homme conservaient leur prestige, et les amnisties ne recueillaient qu’un faible appui dans la société. 20 Que ce soit à travers les mouvements de défense des droits de l’homme, ou à travers la sanction punitive des politiques officielles, les cadres de représentation de la mémoire pendant cette périodelà ont été définis depuis l’espace judiciaire. Les interrogations portant sur les expériences politiques du militantisme ont ainsi été occultées, en particulier celles qui incorporent et intègrent comme axe la lutte armée. Ces questionnements, toutefois, ont subsisté comme une sorte de “mémoire souterraine” (POLLAK, 1993). Comme le fait observer Vezzetti (2009), les débats sur la violence révolutionnaire existaient dans la communauté politique argentine (à partir de la Révolution cubaine et peutêtre même avant), et portaient sur les stratégies à appliquer face à la violence instaurée depuis le pouvoir. Ces débats furent également menés depuis l’exil15. Dans une large mesure, au cours de ces débats, les arguments allaient contre les tentatives de mise en place de foyers insurrectionnels en Argentine, et contre la légitimité du recours aux armes. Même si ces discussions controversées restèrent confinées aux groupes euxmêmes (comme partie d’une mémoire propre de la gauche), elles permirent d’élaborer un récit de la défaite. Durant le contexte de promulgation des lois d’amnistie des gouvernements démocratiques, le silence sur le militantisme politique et social a supposé, pour ces militants, la continuité d’un modèle de domination et de contrôle exercé depuis le pouvoir. 21 Pour s’opposer à la présence monopolisatrice et réductrice de la figure de la victime « innocente », quelques survivants cherchèrent cependant non seulement à dénoncer les crimes impunis de la dictature, mais aussi à afficher publiquement la dimension politique de la figure de la victime. En ce sens, ces actions —visant à s’opposer au silence et à la falsification des faits—, ont également eu pour objectif de récupérer cette identité politique afin de pouvoir poursuivre ces combats du passé, dans lesquels ils s’étaient engagés. 22 Depuis le début des années 90, on assiste à une série de mutations dans les réflexions sur le passé récent, ce qui a favorisé une visibilité bien différente de la mémoire. Il est d’usage d’évoquer le changement d’attitude de vastes secteurs de la population à l’égard de la démocratie représentative. L’optimisme lié à l’attente d’un retour à un certain niveau de bienêtre social et politique a laissé la place à 23 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 10/31 Un parcours des FAP : l’expérience combative dans les récits « dans la tradition phénoménologique, l’expérience est saisie à travers l’observation, mais c’est à travers la mise en paroles qu’opère la production de sens. Si le passage au récit peut induire un appauvrissement de l’expérience, il est aussi la condition de sa réflexibilité. » (ZIMMERMANN, 2011, 62) militants d’alors) et de l’ensemble de leurs récits, pratiques et expériences, qui sont déterminants. La politique est en effet toujours au fondement de leurs souvenirs ainsi que de leurs idées et actions présentes. L’expérience —toujours politique— des militants nous a été accessible à travers de récits. Celleci est, en effet, le résultat d’une reconstruction qui se donne à travers le discours. Comme fait remarquer Zimmermann : 30 Dans les récits des ces anciens combattants, l’expérience prend la forme d’un parcours qui s’étend dans le temps et l’espace. Sans entrer dans une comparaison entre des notions telles que « trajectoire », « itinéraire » ou encore « carrière »28, nous donnerons au terme « parcours » le sens de « continuité d’une expérience vers un objectif », sans pour cela considérer que le parcours soit synonyme de linéarité. Bien au contraire, il est fait de détours, de moments charnières, de retours en arrière, d’arrêts et d’avancées ; il offre une diversité de chemins possibles, de ponts, de passerelles, pour franchir des événements discontinus et les restituer dans un ensemble continu et cohérent. En ce sens, le parcours s’affirme comme un « concept trait d’union » (ZIMMERMANN, 2011, 83). Ce qui compte, en définitive, c’est le but, car c’est dans le but qu’il acquiert sa signification. 31 Bien que la notion de carrière ait été appliquée à l’étude de l’engagement politique29, nous considérons que le parcours peut englober la carrière ou « désigner (…) le chemin qui relie différentes positions dans une carrière ». Entre autres choses, la carrière désigne le passage ordonné d’une position à l’autre dans un système donné. Elle fait également référence à une idée de gradation et d’évolution, en termes de fonction et de responsabilité pour une autorité compétente. Le parcours, quant à lui, met l’accent sur une pluralité de rôles et d’identités dans de diverses dimensions sociales. Il intègre les interstices et met l’accent sur ce qui se passe entre eux afin de donner une place à la production de continuité. Ainsi, il traverse différents espaces de référence (de la sphère professionnelle, institutionnelle, ou encore domestique), il les identifie afin de définir le développement et les modalités pour y arriver, en reliant les étapes et les temporalités au cours du déplacement du récit biographique. Le parcours est, par conséquent, une épreuve d’interaction avec l’environnement, où les récits et les actions se déploient selon les temporalités du vécu. Il est le résultat de l’organisation d’événements à travers la mise en récits. 32 A cela, il faut ajouter que le parcours inclut une dimension de réflexivité, c’est àdire qu’il prend en compte la subjectivité des acteurs, impliquant leur volonté et leur intention. Et ce même si —comme le fait remarquer Zimmermann— « un parcours ne se laisse pas réduire à des choix personnels. Il est aussi fait de non choix et de contraintes » (ZIMMERMAN, 2011, 85). La structure collective est aussi un lieu de possibilité d’émergence des choix individuels. 33 Cette implication de l’acteur (et ceci ne veut pas dire une seule personne) dans la mise en cohérence et la justification à travers le récit nous permet de dire, avec 34 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 11/31 Zimmermann, que le parcours synthétise —en même temps qu’il analyse— la qualité historique et corrélative des personnes, considérées ainsi comme des êtres en devenir. C’est à partir de cette catégorie opératoire que nous avons situé notre travail de récupération des souvenirs actuels et des discours rénovés du passé. Or, dans l’éventail hétérogène des organisations armées en Argentine, l’expérience des FAP offre une image et un parcours singuliers des projets révolutionnaires des décennies 60 et 70. Ceci est d’autant plus vrai si l’on tient compte des représentations construites de la politique de ces annéeslà. Il est certain que le développement des organisations armées a obéi à un processus complexe et échappe aux typifications simplistes. On peut dire, cependant, que le ferment révolutionnaire constitua l’élément clef de la construction d’une identité et d’un ensemble de convictions partagées (tout autour d’un changement pour une société plus juste). 35 Les récits sur les expériences révolutionnaires ont toutefois conformé un territoire argumentatif où prédominent des situations de violence et de mort. Ainsi, l’intérêt pour la lutte armée semble souvent se porter ou bien sur la dimension spectaculaire des opérations menées, ou encore sur la militarisation de certaines organisations politiques de l’époque, au point de les magnifier, et tout en idéalisant une partie de cette période. D’où la conviction selon laquelle, d’une part, l’esprit de rébellion était plus fort dans les années soixantedix qu’au cours de la décennie antérieure, et selon laquelle, d’autre part, seuls les membres des organisations du « Parti Révolutionnaire des Travailleurs–Armée Révolutionnaire du Peuple »30 (« Partido Revolucionario de los Trabajadores–Ejército Revolucionario del Pueblo », PRT–ERP) et des Montoneros cherchent à récupérer et sauvegarder leurs expériences perdues à travers les confidences et les révélations testimoniales. 36 Les récits des FAP ont été considérés, dans notre travail, comme des formes contrastées de constitution de la mémoire du passé récent. Nous savons que la mémoire se constitue à la fois du passé et du présent, et que ce double horizon est délimité par les formes sociodiscursives à l’œuvre dans la société et par l’expérience que celleci tire de son propre passé. Il ne fait aucun doute que le fait de prendre la décision de raconter (à partir de la conviction du rôle central que les sujets ont occupé dans cette histoire) est soumis aussi à des temporalités psychologiques (nécessaires à l’éclosion du désir de mémoire et des conditions de se montrer et de faire valoir ce qu’à signifié pour eux de s’être engagé politiquement) ; cette décision est aussi liée au passage du temps et à la conscience de la nécessité de la transmission générationnelle. 37 Nous essayons de rendre compte de la présence de ce groupe, malgré l’attitude de réserve qui les caractérise. Notre travail de terrain, ainsi que les entretiens individuels et collectifs, nous ont permis de leur poser des questions relatives à leurs débuts dans la pratique du militantisme, aux dynamiques internes de l’organisation, aux pratiques quotidiennes dans ou en dehors de celleci, aux désirs qui les animaient alors, ou encore aux activités politiques qui sont les leurs dans la période actuelle. Toutes leurs réponses illustrent les évidents soubresauts qu’a connus cette organisation au fil du temps. 38 Nous avons pu réunir différents éléments, d’ordre individuel mais surtout collectif, organisationnel, et contextuel. En dépit de la singularité de chaque vie, nous avons cherché à tisser tout un faisceau de récits collectifs croisés, pour voir finalement émerger quatre « grands » récits sur le parcours du militantisme des FAP depuis sa naissance jusqu’à l’heure actuelle. Tout d’abord, nous identifions un parcours constitutif des FAP (que nous avons nommé « PreFAP »). Ensuite, nous rendons compte de la tentative d’instaurer un foyer de guérilla en Argentine (désignée sous l’expression « naissance des FAP »). Troisièmement, nous évoquons une phase marquante de séparation interne (que nous intitulons 39 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 12/31 Bref récapitulatif introductif « Partisans de l’Ombre contre Partisans de la Lumière »). Finalement, nous présentons l’engagement politique actuel (phase de « contrainte des victimes »). Dans le même temps, nous avons identifié différents axes et/ou noyaux condensateurs de sens, pour voir comment ils se sont articulés à chaque moment du parcours. Ces axes sont le péronisme, la lutte armée, la révolution, la vie dans la clandestinité, la peur, les revendications politiques actuelles. Nous avons aussi évidemment retenu des événements tels que l’arrivée de Perón en 1973, et le coup d’État militaire en 1976. Ce qui guidait notre démarche n’était pas de faire émerger une simple remémoration des moments historiques, mais de susciter une lecture du présent et la façon dont le passé se donne à voir. Lorsque nous arrivions à l’évocation des espoirs qu’ils avaient, à l’heure actuelle, de changer le système, ce qui s’imposait de manière criante dans les discours était généralement la culpabilité d’avoir survécu, les traces de la mort et de la torture. Dans cette partie ont été retenus les récits sur la tentative d’instaurer un foyer de guérilla en Argentine. Nous allons nous intéresser à l’adhésion à la stratégie du foyer (« estrategia del foco ») et à sa réorientation dans le contexte argentin, durant la période de militantisme radicalisé. 40 En Argentine, la période qui s’est ouverte après la dictature du Général Juan Carlos Onganía, en 1966, a fonctionné comme le déclencheur d’un processus sans précédent de mobilisation des masses et d’intense activité politique, avec le développement d’une gauche péroniste et marxiste. Ce contexte a constitué le théâtre —et le terreau— du développement des organisations politicomilitaires, dont les traits caractéristiques se profilaient depuis l’étape de la Résistance Péroniste, qui n’avait eu jusqu’alors qu’un faible impact sur la société de l’époque31. 41 Parallèlement, les mouvements de libération nationale — en Amérique latine comme dans d’autres pays du TiersMonde (Algérie, Chine et Vietnam) —, ont marqué la politique de cette période, et ont imposé des modèles de lutte pour atteindre une transformation sociale radicale. Dans le cas particulier de l’Argentine, il convient de mettre en évidence la fascination qu’ont exercés le triomphe de la Révolution cubaine ainsi que la geste d’Ernesto Che Guevara sur le militantisme de ces annéeslà, où se sont forgées la mystique de la lutte armée et la figure du Guerrier héroïque et de l’« Homme nouveau » (« el Hombre nuevo »). 42 Dans une large mesure, les faits qui se sont produits à Cuba furent perçus comme le modèle d’une nation pauvre et dans une situation de dépendance, mais capable de défier l’impérialisme pour instaurer une politique nationaliste révolutionnaire et mettre en place le socialisme (loin de la gauche traditionnelle et sans l’appui d’une classe ouvrière). La guerre de libération cubaine a marqué la politique de l’époque en constituant le référent absolu dès lors qu’il s’agissait de luttes contre l’injustice et l’oppression. De telle sorte que, si la Révolution cubaine fut une révolution armée, alors l’insurrection argentine pouvait être pensée à travers des méthodes semblables. Cet épisode a donc démontré l’efficacité de la guerre de guérillas dans la lutte pour la prise du pouvoir32. 43 Les débats autour de la nécessité de lancer la lutte armée, toutefois, se déplacèrent rapidement vers les modalités d’inauguration de ces actions. Pendant ces annéeslà, la conception du foyer de guérilla prit la forme d’une stratégie pour lancer la guerre de guérilla et réaliser la révolution en Argentine33. A travers la défaite militaire de l’ennemi, la thèse du foyer insurrectionnel constitue indubitablement la première pierre de la stratégie menant à la conquête du pouvoir. 44 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 15/31 Il fallait développer et ouvrir les consciences pour pourvoir faire la révolution. C’était notre travail. La guérilla était menée pour permettre de faire prendre conscience. Le foyer insurrectionnel, c’était cela, c’était un foyer qui, à partir de l’exemple, se répandait pour développer la guerre du peuple. Et tout ce qu’on faisait dans les églises, au théâtre, au cinéma, dans l’art, avait la même fonction. C’estàdire que tous œuvraient au même objectif. Nous autres, nous faisions partie d’une chose, c’est très important de le comprendre. (B.V., Buenos Aires, 15/04/2008). Nous, nous considérions que les deux formes de guérilla étaient nécessaires dans un pays comme l’Argentine, et que nous devions coordonner ces deux choses. L’idée, alors, c’était d’ouvrir un front à Tucumán avec le « Destacamento Montonero 17 de octubre », et un autre en ville, appelé « Destacamento Descamisado ». Après la première opération, on prévoyait de distribuer une proclamation signée, et à partir de là, l’opération en ville et la diffusion du programme dans la ville avec les détachements des descamisados de la ville. (D.C. Buenos Aires, 17/05/2008). s’agit bien pour cette organisation d’interpeller la subjectivité des populations, et de jouer le rôle de générateurs de conscience jusqu’à l’avènement de la guerre populaire. Leur finalité était par conséquent révolutionnaire : L’application de la stratégie du foyer insurrectionnel, cependant, était loin d’être incorporée de façon mécanique. D’où le fait que nous n’ayons pas posé l’étroite relation avec l’essor des mouvements de libération nationale au niveau mondial en termes d’orthodoxie universelle, mais dans un cadre plus large qui leur permettait d’adapter à leur propre réalité politique les principes les plus généraux de l’expérience cubaine, des écrits militaires de Guevara et, avec un intérêt plus particulier, de sa geste héroïque, de façon à alimenter la formation de visions révolutionnaires. Dans cette perspective, la mise en place du foyer insurrectionnel en zone rurale avait été recréée selon les conditions de la réalité du moment et les choix de l’organisation. Il y avait ainsi un écart certain entre le « rite » proposé par Guevara et le « paysage propre » conformé par l’organisation. 53 Pour le dire autrement, c’est la convergence de représentations et pratiques guerrières de passés immédiats et/ou plus lointains, nationaux et/ou internationaux, qui a en grande partie canalisé le processus de formation de cette organisation. C’est donc ainsi tout un ensemble de symboles anciens et de références plus actuelles issues de processus révolutionnaires, qui furent incorporés à leur propre système idéologique de luttes politiques, et qui donnèrent une impulsion et alimentèrent la recherche d’un changement (audelà des méthodes). Nous voyons ainsi, par ces ambiguïtés, que l’organisation se trouvait alors, dans l’élaboration d’une vision à caractère contestataire, à un moment charnière, comme prise en étau entre deux temporalités : une certaine époque, déjà révolue, du péronisme, et le temps non encore advenu de la révolution. Rien de fortuit, en effet, à ce qu’au sein des FAP (et d’autres organisations péronistes) les objectifs visant la réinstauration de la démocratie ou le retour de Perón se soient mêlés à des idéaux autrement plus radicaux et audacieux, comme la conquête du pouvoir par le Peuple ou la volonté de transformer le monde. 54 Dans cette perspective, ils préconisèrent l’organisation d’un groupe pour mener à terme leur propre idée du foyer insurrectionnel, selon le principe que ce dernier « devait avoir comme fondements une solide base populaire formée par les gens des alentours, la lutte urbaine, et le travail à la base » (DUHALDE et PEREZ 2003 [2001], 115). A la différence des théories guévaristes sur le maquis, les FAP considérèrent l’importance de mettre en place un foyer d’insurrection en zone urbaine, idée que vint renforcer l’échec bolivien d’Ernesto Guevara en 1967. Seul le groupe issu de l’organisation Tupamaros défendit cette théorie, qui reçut le nom de « théorie de deux pieds » : 55 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 16/31 L’échec du foyer insurrectionnel, ou le lancement de la lutte armée ? Ainsi fut choisie, comme base de l’action collective, la localité de Taco Ralo, au sud de la province de Tucumán, les montagnes des alentours constituant le lieu idéal à partir duquel lancer les opérations. C’est donc malgré tout le groupe situé en zone rurale —parce qu’il lui incombait d’engager l’action, et indépendamment des postulats de la « théorie des deux pieds »—, qui nourrissait tous les espoirs. L’autre divergence avec la thèse guévariste du foyer est que, si dans celleci il était fondamental de cacher l’identité des combattants qui allaient réaliser l’opération militaire (le but étant de mettre en avant une méthode et une idéologie), les membres des FAP, au contraire, prévoyaient de se faire connaître publiquement dès lors qu’avait été engagée la première action. Ils considéraient en effet que la visibilité dans l’espace public impliquait et requérait de se faire connaître comme organisation autant que comme individus, et prévoyaient ainsi de signer en utilisant leurs noms et prénoms : « Ceci constituerait la première manifestation publique de résistance contre cette dictature », faisait remarquer l’un d’eux (G.A., Gotemburgo, 27/08/2008). 56 Le second foyer fut mis en place à La Cañada (localité de Taco Ralo). Les guérilleros s’installèrent sur un terrain qu’ils avaient acheté euxmêmes le 12 août 1968, pour en faire une base d’« adaptation, de compréhension et de formation des intégrants » (Destacamento guerrillero 17 de octubre, 1969, op. cit., 110). La finalité, au terme de la phase d’entraînement, était de se déplacer vers des « zones plus propices à ce type de lutte, et de n’engager les combats qu’une fois parvenus en ces lieux » (Destacamento guerrillero 17 de octubre, 1969, op. cit., 110). Le but initial était de gagner la Sierra de Chacuna, et de stocker en divers endroits des provisions, des médicaments, des aliments et des armes. Le mois suivant, ils envisageaient le début des opérations par l’attaque d’un commissariat, pour se faire ensuite connaître publiquement. 57 Les caractéristiques topographiques de Taco Ralo étaient idéales pour les objectifs du groupe: densité de la végétation, sol argileux, faible visibilité. L’autre avantage était que très peu de véhicules circulaient dans la zone. La population environnante, toutefois, malgré sa faible densité, pouvait surprendre des agissements suspects. Dès l’achat du terrain effectué, le reste du groupe s’y rendit pour y organiser un campement, qui reçut le nom de « El Plumerillo ». Les habitants de la zone, d’après les témoignages recueillis dans différents journaux, « commencèrent à observer à partir de ce momentlà toute une série de comportements singuliers »36. Devant l’inquiétude de ces —quelques— locaux, la Direction des Investigations de la Préfecture de Police de Tucumán décida d’intervenir, soupçonnant qu’il pouvait s’agir de contrebandiers, alors qu’au même moment, le Département d’Intelligence Militaire recevait un rapport indiquant la possible présence de guérilleros dans le Nord de l’Argentine. 58 A l’aube du 19 septembre, de retour d’une randonnée, une partie du groupe fut surprise par une patrouille commandée par la Police de Tucumán, qui les arrêta immédiatement et saisit tout le matériel, à savoir 65 caisses d’armement et de nourriture pour pouvoir tenir plusieurs mois, des sacs, des plans, des photographies aériennes, de la littérature et des journaux. Aucune victime ne fut à déplorer malgré l’amplitude d’une opération dans laquelle était engagée une soixantaine d’hommes avec des véhicules. Les détenus furent conduits à la Coordination Fédérale, puis déplacés dans différents commissariats (où ils furent férocement torturés), jusqu’à ce que fût prononcée la condamnation. 59 A peu près un mois après l’arrestation, deux documents furent élaborés et60 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 17/31 publiés dans Cristianismo y Revolución (CyR). Sous les titres de « Destacamento Guerrillero 17 de octubre » (novembre 1968) et « La guerra Revolucionaria del Pueblo: sus tareas fundamentales » (janvier 1969), ils firent connaître les conditions de détention et —élément à mettre en évidence—, définirent leur identité politique. Bien qu’ils ne fussent pas fait connaître selon les modalités qu’ils avaient fixées, ils incitèrent cependant au lancement de la lutte armée, comme le rappelle, quarante ans plus tard, un des militants interviewés, membre des FAP : « Ce fut un échec militaire scandaleux qui, en raison de la situation politique, s’est transformé en une victoire politique. » (G.A. Gothembourg, 27/08/2008). Et le fait est qu’il y eut, durant la période 6070, au moins dixsept groupes armés, parmi lesquels cinq eurent une portée et une envergure nationales. Le phénomène de radicalisation dépassait largement le péronisme puisque, parmi les principales organisations, on en comptait d’autres de tendance marxiste et guévariste. Ces principales organisations étaient : les “Fuerzas Armadas Peronistas” (“Forces Armées Péronistes”, FAP), les “Montoneros”, les “Fuerzas Armadas Revolucionarias” (“Forces Armées Révolutionnaires”, FAR), les « Fuerzas Armadas de Liberación » (« Forces Armées de Libération », FAL), et le “Partido Revolucionario de los Trabajadores / Ejército Revolucionario del Pueblo” (“Parti Révolutionnaires des Travailleurs / Armée Révolutionnaire du Peuple », PRT ERP). A partir de 1975 (peu de temps avant le Coup d’État de 1976), les organisations les plus importantes étaient le PRTERP, les Montoneros et, aussi, l’« Organización Comunista Poder Obrero » (« Organisation Communiste Pouvoir Ouvrier », OCPO). 61 Dans une très large mesure, les actions se sont caractérisées par l’attaque de casernes, de banques, par l’enlèvement et l’assassinat (“ajusticiamientos”) de militaires, de policiers, d’hommes d’affaires et de syndicalistes considérés comme « bureaucratisés » (« burocratizados”). Au moment où ces actions armées étaient en plein essor, les FAP connurent de nombreuses dissensions qui eurent un impact notable sur les opérations. Ces dernières, dans leur ensemble, furent dès le début durement réprimées, et les guérillas furent en général considérées et désignées comme « l’ennemi ». Ces actions, précisonsle, s’inscrivaient dans le contexte particulier qui précédait le Coup d’État de 1976, c’estàdire dans un climat de spirale de violence alimentée à la fois par la guérilla, l’État et les organisations paraétatiques (la plus importante des organisations d’extrême droite a été l’Alliance anticommuniste argentine : la triple A37). 62 Aborder la constitution du noyau « initial » ou « primaire » des FAP, et son expérience, à travers le prisme de la stratégie du foyer insurrectionnel en Argentine, met en évidence un ensemble de caractéristiques sur le développement de la lutte armée. Telles qu’elles ressortent du parcours, ces caractéristiques peuvent être résumées de la manière suivante : 63 a) la militarisation de certaines organisations politiques de l’époque ;64 b) la dimension bien souvent spectaculaire des opérations ;65 c) la mise de côté des récits sur les projets révolutionnaires qui ont échoué (comme par exemple la tentative d’instauration d’un foyer de guérilla à Taco Ralo) ; 66 d) le « foyer », dans l’univers de croyances du groupe, constituait le chemin qui mènerait à la révolution. Ce désir partagé trouverait son accomplissement avec la réalisation de l’idée éthicomorale de l’« homme nouveau » ; 67 e) le silence actuel s’explique par la dureté des critiques qu’a reçues la théorie du foyer au sein des organisations ; 68 f) Malgré toutes les critiques et autocritiques, tous les témoins que nous avons rencontrés sont toujours dans le militantisme social et politique, à la fois pour poursuivre leur engagement, mais également pour réaliser un travail de 69 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 20/31 Je pense qu’il faut distinguer entre ce que sont les erreurs politiques et, ce qu’est l’autocritique des expériences personnelles. Quoi qu’il en soit, je ne regrette rien de tout ce que j’ai fait et, de plus, cela m’a beaucoup plu. Je sais que ce furent des erreurs mais, en même temps, de mon point de vue, je regretterais de ne pas avoir vécu cette expérience qui m’a constitué pour la vie entière. (P.A., Gothembourg, 27/05/2008) Je ne sais pas ce que ça peut être, je ne saurai pas dire pourquoi je suis toujours au milieu de tous les conflits, je ne saurai te le dire, mais c’est ainsi. Il doit bien y avoir une raison pour que je me trouve toujours mêlé à ces choses. Depuis toujours, historiquement, ce sont tant et tant d’années : si ce n’est pas pour une raison, c’est pour une autre. Parfois, je me demande pourquoi je continue à me fatiguer avec tout ca, mais non, je continue, je m’engage toujours dans quelque chose, et en avant ! (F.J., Buenos Aires, 12/08/2007). A présent nous disons « changement social » là où, avant, nous disions « patrie socialiste » ou « nous voulons faire la révolution », car en réalité le motif c’était celuilà, c’était faire la révolution à tout prix. (A.J., La Plata, mai 2008). C’est cette morale, ce sens (voir leurs espoirs un jour réalisés, « toucher le ciel avec ses mains ») qui élaborent leur propre être révolutionnaire. Actuellement, les hommes et les femmes qui intégrèrent les FAP et le PB se considèrent toujours comme des militants révolutionnaires, ce qu’illustre le fragment de témoignage suivant : 78 À grands traits, nous pourrions dire que l’identité du passé militant articule aujourd’hui la vie de la plupart de ces personnes. Il existe encore des convictions et une identification au groupe. Ce sentiment de dépendance à l’égard du groupe a bien évidemment évolué depuis les années 1960 et 1970, mais on le retrouve, toutefois, dans une morale qui détermine des discours ainsi que des pratiques. Même si les luttes antiimpérialistes ne sont plus vécues comme des phénomènes violents, les façons de mener à bien les luttes actuelles semblent s’être constituées comme la continuation de cette tâche gigantesque (« faire la Révolution ») qui faisait d’eux des protagonistes de l’Histoire, et conférait dans leur imaginaire un sens absolu à leur existence. Ainsi, la révolution est une instance transcendantale dévoreuse de corps, de désirs, de pratiques, de quotidiennetés actuelles. 79 Ceci ne signifie pas que cela soit le propre des militants de cette organisation, mais la différence réside dans le fait que la majorité des militants associés aux FAP (en continuité avec les attitudes qui étaient les leurs dans les années 1960 70), se sont tenus à l’écart de cette dynamique publique de révélation. 80 Entre ce qui persiste du passé, et ce qui change et évolue, nous souhaitons signaler deux modalités par lesquelles ces militants agissent et transmettent leurs expériences. Ceci nous permet de frayer un chemin pour montrer leur continuité dans l’engagement : 81 Premièrement, et comme nous l’avons dit, beaucoup d’entre eux continuent de militer. A partir de ce témoignage, nous voulons souligner que, de toute évidence, ce postulat a perdu de sa vigueur. La révolution est une invention politique et, partant, une expérience indéterminée qui dépend du contexte et des situations temporelles. La révolution telle que ces militants la pensaient alors n’est plus possible. Cependant, le « changement social » ne semble pas avoir la dimension d’un postulat actuel. Dans le même discours, l’on voit combien « c’est » et « c’était » se confondent, comme si la recherche était toujours la même. Il s’agit en effet d’une mémoire qui, d’une certaine manière, se perpétue audelà des changements et à travers une structure de croyances qui les renouvelle dans le présent. L’un des militants interviewés donnait la réponse suivante à la question 82 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 21/31 Je ne crois pas, je ne crois plus au processus de prise de pouvoir et de contrôle politique. Je crois toujours à un changement, mais pas de la même manière. Je crois que la seule possibilité de changement se trouve dans la mobilisation depuis la base et dans le fait de changer ce que tu peux, là où tu te trouves (…), voilà la forme du changement actuel et révolutionnaire.] (C.V. Gothembourg, 24/08/2008). Je continue de militer car je continue de croire qu’il faut réaliser la transformation; la base que continue d’incarner le peuple, disonsle, c’est lui le seul capable de mener à bien cette transformation, réaliser cette transformation parce que c’est nous qui avons un intérêt à réaliser un changement (…) et je continue de croire que c’est possible, je crois que c’est pour cela que je milite toujours. (V.B., Buenos Aires, 11/05/2008) la disparition, l’absence des corps, laissent planer une incertitude sur la réalité de l’injustice dénoncée, dans le même temps qu’elles impliquent un déplacement du statut victimaire, de la victime à ses proches qui, eux, souffrent de son absence et de l’incertitude sur son sort. « Et maintenant, croyezvous toujours à la possibilité d’un changement révolutionnaire ? » : A travers leur exemple —et leur histoire—, ils s’adressent à une nouvelle génération pour transmettre leurs expériences et bâtir leur mémoire. Il y a eu, certes, un déplacement dans les demandes et dans les acteurs, car ce sont les sans emploi et les personnes précarisées qui exigent un changement. Mais ce qui subsiste, c’est la revendication liée à la dignité, à la démocratie de base, la lutte et l’autogestion. Le souvenir de l’organisation de base (« basista ») perdure dans la pratique d’alternatives politiques actuelles, liées à des expériences de travail ; et ce souvenir agit comme guide des actions dans la lutte pour un « monde meilleur ». 83 Dans ce sens, comprendre ce qui persiste du passé, et/ou ce qui se transforme, demande une ouverture à des interprétations qui renouvellent les réflexions sans perdre de vue ce qui demeure, c’estàdire l’objectif de faire la révolution. Après les années 2000, le passé révolutionnaire a ressurgi — nous dirons plutôt qu’il avait toujours été là, comme occulté —, et ce, précisément, parce que la révolution est un fait inachevé. 84 Or, comme nous l’avons postulé dans l’introduction, les thématiques sur la mémoire et le militantisme sont au présent indissociables de l’irruption d’un discours qui les porte et leur confère du sens : il s’agit du discours sur la victimisation. En ce sens, ce que nous présentions comme l’une des problématiques initiales semble désormais être résolu. Quand on parle de victimisation, on fait référence à deux sortes d’« affectés », qui sont à mettre en relation avec la question des disparus : 85 a) D’un côté, nous avons l’action de ces parents qui ont perdu un proche ou des personnes qui ont survécu aux centres clandestins de détention. Ceuxci présentent des similarités avec les « mobilisations de victimes ». Pour reprendre la définition que donnent Lefranc, Mathieu et Siméant (2008, 11), nous pourrions dire que : 86 b) De l’autre côté, nous avons ces militants qui ont survécu aux centres clandestins de détention dans lesquels on a fait disparaître leurs compagnons. Ces militants sont les « victimes » des tortionnaires de la dictature militaire. Ils témoignent de ce qu’ils ont vu ou entendu pendant leur captivité, mais également au nom de tous ceux qui ne peuvent pas le faire : à savoir, les disparus. Nous avons aussi tous ceux qui ne sont pas passés par les centres de détention, mais dont le témoignage prétend rendre compte, au présent, de ce passé douloureux. 87 Quoi qu’il en soit, anciens et nouveaux militants ont édifié une mémoire qui88 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 22/31 Pour moi, militer c’est s’engager continuellement dans des causes que nous considérons utiles, justes, dans lesquelles il faut mettre toute notre énergie pour en assurer le triomphe. Parce qu’elles valent le coup, et parce que, tout compte fait, il n’y a pas d’autre façon de vivre : je crois que c’est anthropologique, je crois que c’est inscrit dans nos gènes. Tendre à faire le bien. Militer, donc, c’est ça, c’est militer pour cette idée, cette force qui s’appelle révolution. Hier, ça s’appelait socialisme, aujourd’hui c’est la lutte politique pour la défense des droits de l’homme. (R.F. Buenos Aires, 25/04/2008) Nous sommes le présent des compagnons qui sont tombés, la défaite subie par l’organisation, et le peuple tout entier. Il nous incombe de faire acte de mémoire (…) par un travail politique de tous les jours (…) générateur de changement [révolutionnaire] y surtout de justice.] (R.B., La Plata 15/04/2007) Je me reflète dans tous ceux qui ont disparu dans leur lutte pour un monde meilleur. Ma mission est de poursuivre l’idée du changement, pour eux, pour ceux d’entre nous qui restent et pour tous les jeunes qui risquent leur vie aujourd’hui. Le passé me fait très souvent me sentir coupable, peutêtre aije survécu pour mener à bien, avec mes compagnons, le devoir et la transmission de la lutte. (G.D. Buenos Aires, 28/07/2008) s’appuie sur la solidarité à l’égard de leurs camarades assassinés. La revendication idéologique que ceux qui sont morts soient traités non comme des victimes mais comme des combattants prend de l’ampleur actuellement, alors qu’elle était fortement minoritaire au tout début du retour à la démocratie. Comme le fait remarquer Vezzetti, « l’horizon de cette mémoire n’est pas celui des droits mais des luttes politiques, de la continuité d’une identité militante » (2002, 39). C’est le sens que ce militant donne au militantisme dans l’actualité : Bien que le travail de mémoire puisse être l’occasion de passer des identités collectives aux identités « narratives » —lesquelles n’enferment pas les individus dans un passé sacralisé—, nous considérons que ces discours sur la victimisation se sont établis comme une dynamique actuelle de l’engagement politique. Sachant que le conflit, selon Georg Simmel, est constitutif de l’identité de ces personnes, l’engagement pour une cause juste, continue de les mobiliser. Cela ne signifie pas qu’ils se présentent et se définissent comme des victimes, mais qu’ils se servent de ce rôle pour faire valoir ces revendications passées. C’est ce que Vicente Palermo nomme l’orgueil des vaincus” (“el orgullo de los vencidos”, Palermo, 2004, 187) : 89 Pour reprendre le concept de traumatisme historique, Fassin et Rechtman signalent que « la mémoire collective s’inscrit comme un rapport traumatique au passé par lequel le groupe s’identifie comme victime à travers la reconnaissance d’une expérience partagée de violence subie » (FASSIN et RECHTMAN, 2007, 29). Le traumatisme, loin d’être posé comme une question clinique, s’installe ainsi comme un jugement moral qui confère de la légitimité et qui réactualise les luttes passées de ces militants. 90 Les figures du condamné, du disparu —en d’autres termes celles de la victime—, semblent s’ériger comme les catégories discursives qui organisent actuellement le sens de la mémoire. Nous voulons dire que si le noyau de cette récupération du passé réside dans le sentiment du devoir et dans celui de responsabilité envers les victimes (afin de poursuivre la lutte et pour que justice soit faite), l’idéal d’une mémoire doit s’étendre à toutes les victimes d’une violence qui n’aurait jamais dû avoir lieu. Sans doute conviendratil de rendre compte, aussi, des crimes commis par les guérillas, et ce outre la transmission d’une expérience et l’élaboration d’un imaginaire héroïque, et outre le fait de se présenter comme sujets autonomes et dénués de responsabilité. Ceci semble indispensable pour construire une 91 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 25/31 Format APA MLA Chicago Le service d'export bibliographique est disponible pour les institutions qui ont souscrit à un des programmes freemium d'OpenEdition. 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Sus tareas fundamentales», 1969; «Por qué somos peronistas», 1969. 2 Voir Duhalde et Pérez, 2003 [2001]; Judez, 2010; Luvecce, 1993; Onrubia Rebuelta, 2007; Raimundo, 2004. Citons également les études de cas réalisées par Cersósimo (2008). Il convient de préciser que les FAP apparaissent d’ordinaire dans de nombreuses études portant sur la gauche péroniste des années 60. La mention qui en est faite est plus un agrégat qu’un objet d’étude. 3 En Amérique latine, les cas sont nombreux et les études des cas uruguayens, chiliens et argentins ont permis de redonner une voix aux « victimes » des régimes autoritaires qui ont caractérisé les années 1970. Un ouvrage collectif compile plusieurs réflexions sur la question des politiques du pardon : ARNAUD MARTIN et al., 2009. Pour le cas chilien, voir GARCIA CASTRO, 1997; JEDLICKI, (2001); ROMEU, 2008. Pour le cas argentin, voir 2008 ; de la ALDEA, 2005. 4 Sachant que la sociologie a toujours « privilégié l’individu générique au principe de l’État à la personne singulière », le parcours se caractérise, comme le note Bénédicte Zimmermann, par un manque de conceptualisation sociologique (ZIMMERMANN, 2011, 82). 5 Nunca Más étudie le fonctionnement des camps de détention clandestins, analyse les formes de répression (séquestration, torture, mort ou disparition), établissant le nombre des disparitions à 8941. Plus tard, les organismes de défense des droits de l’homme portèrent ce chiffre à 30000. 6 La Comisión Nacional por la Desaparición de Personas (CONADEP), créée par le Président Raúl Alfonsín, et preside par Ernesto Sábato en 1983, fut chargée des recherches sur les milliers de disparitions durant le gouvernement militaire (rapport Nunca Más). SALAS, Ernesto, Uturuncos: el origen de la guerrilla peronista, Buenos Aires, Editorial Biblos, 2006 [2003]. 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Revista Lucha Armada en la Argentina 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 30/31 (GUEVARA, 1964, 32). 34 Pour des travaux sur la nouvelle gauche, se référer à HILB et LUTZKY, 1984, et à TARCUS, 2007. 35 Avant d’aller plus avant, il convient de préciser quelle fut l’influence des tentatives insurectionnelles du Commando « Uturunco » (19591960) et, en particulier, de l’« Ejército Guerrillero del Pueblo » (EGP, 1963), qui furent des formations antérieures aux FAP, et dont l’objectif était d’installer un foyer en zone rurale dans le Nord argentin. Ces expériences, l’une comme l’autre, eurent le mérite d’avoir été les premières tentatives de synthèse de l’expérience de la Révolution cubaine et d’implantation de la guérilla en Argentine. Sur les origines et le développement de ces groupes, voir (2006 [2003]) y Rot (2000). De la même façon, il est important de dire un mot d’une autre tentative d’implantation d’un foyer de guérilla dans les provinces de Tucumán et Santiago del Estero, par les « Forces Armées de la Révolution Nationales » (Fuerzas Armadas de la Revolución Nacional, FARN). Dirigées par Ángel Bengochea, et connues par la suite sous le nom de “Groupe de la Rue Posadas” (“Grupo de la calle Posadas”, 1964), nom qui trouve son origine dans l’explosion de l’appartement de la rue Posadas à Buenos Aires. Cet événement, évidemment, mit fin à l’organisation en tant que structure, mais n’empêcha pas le projet de suivre son cours. 36 Citons, entre autres références, Gente y la actualidad, Primera plana, Con todo. 37 La triple A était une organisation parapolicière et paraétatique créée par le ministre du Bienêtre social du gouvernement péroniste, José López Rega, représentant du péronisme d’extrême droite. Elle commence à agir à la fin de l’année 1973 avec des menaces, des listes noires et des attentats à la bombe contre des artistes, des intellectuelles, des journalistes, des syndicalistes et des avocats liés à divers mouvements de gauche. Voir PAINO, 1984. 38 Il faut souligner que, dans une analyse qualitative, la généralité est donnée par le cadre des entrevues. On ne peut jamais projeter l’univers. L’ensemble des entrevues réalisées (131) a de toute évidence un poids indéniable. 39 Sur la discipline interne, la moralité et la totalité, voir le travail de CARNOVALE, 2011. 40 Comme le fait observer Franco, « l’autoritarisme et les pratiques répressives y disciplinaires commencèrent bien avant 1976 », de façon clandestine mais essentiellement comme une « politique officielle systématique des gouvernements démocratiques péronistes entre 1973 et 1976 (idéologiquement associée aux politiques de sécurité nationale) et avec l’appui de divers secteurs politiques exerçant une responsabilité institutionnelle. » (FRANCO, dans Andreozzi, 2011: 253). 41 Cette expression fait référence à l’état d’exception. Elle a été employée pour signaler les régimes militaires mis en place dans les dictatures du Cono Sur latinoaméricain entre 1962 et 1980. Dans le cas de l’Argentine, voir l’analyse réalisée par DUHALDE, 1999 [1983 1984]. 42 A propos de l’application de la catégorie de « génocide » aux crimes commis en Argentine, voir le texte de ROZANSKI dans Andreozzi, 2011. 43 J’ai étudié cette notion de manière plus précise lors de mon intervention dans le cadre du Colloque « La notion de révolution en Amérique latine, 19e 20e siècles » (2010). 44 Vezzetti se réfère en particulier au débat virulent qui a fait suite au témoignage d’Héctor Jouvé sur les assassinats qui ont eu lieu au sein même de l’Armée de Guérilla du Peuple (“Ejército Guerrillero del Pueblo”), et dirigés contre ses propres membres. 45 Voir PALERMO, 2004, 181187. Pour citer cet article Référence électronique Paula Sombra, « Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimisation », Conserveries mémorielles [En ligne], # 15 | 2014, mis en ligne le 10 mai 2014, consulté le 29 mars 2016. URL : http://cm.revues.org/1779 Auteur Paula Sombra Doctorante en sociologie à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales et à 29/03/2016 Un parcours collectif autour du militantisme politique en Argentine : de la mémoire des « combattants révolutionnaires » aux discours sur la victimi... https://cm.revues.org/1779#text 31/31 l’Universidad de Buenos Aires sous la direction des professeurs Louis QUÉRÉ et Hugo VEZZETTI, Paula SOMBRA réalise actuellement une thèse intitulée : « Des récits de la résistance aux récits de la révolution. Parcours de la mémoire militante et continuité d’un rêve révolutionnaire en Argentine». Ses principaux axes de recherche sont la mémoire, le temps, l’identité, les récits. Récemment, elle a participé à l’ouvrage coordonné par Mélica OUENNOUGHI, Mémoires, histoire des déplacements. Héritages et legs (XIX°XX° siècles), à travers un article portant sur « L’influence et le legs de l'expérience algérienne dans l'Argentine des années 6070 », publié en 2013. Articles du même auteur Écrire À partir de la parole ou l’appréhension des souvenirs : une réélaboration au présent du passé récent en Argentine [Texte intégral] Paru dans Conserveries mémorielles, #9 | 2011 Droits d’auteur Conserveries mémorielles est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution Pas de Modification 4.0 International.